La nouvelle de la mort de Manu, le patron du bar de Saint-Astier, suscite de nombreuses réactions des Gendarmes mobiles dont le CNEFG qui lui rend hommage sur sa page Facebook.
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Le général (2S) Bertrand Cavallier, chef historique du CNEFG de Saint-Astier était très proche de Manu. Il lui rend hommage ainsi que le colonel (ER) Philippe Cholous, une figure de la “GM” ayant servi de nombreuses années à Saint-Astier.
L’hommage à Manu de Bertrand Cavallier
Manu est parti. Je le rencontrai alors que j’étais lieutenant, servant au sein de l’escadron 2/15 de gendarmerie mobile de Bron. C’était en 1982. Il avait récemment ouvert son bar qui allait devenir une institution pour la gendarmerie mobile, et au-delà pour tous les stagiaires et visiteurs de la DPGM (division de perfectionnement de la gendarmerie mobile, composante de l’ESOG-CIGA de Saint-Astier-Bergerac) devenue en 2001 le Centre National d’Entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier (CNEFG). Je le retrouvai entre 1993 et 1996, alors commandant du groupement de gendarmerie mobile II/2 de Mont-de-Marsan, lors de mes multiples venues à Saint-Astier avec mes unités, notamment pour l’expérimentation du PI, initié avec mon frère d’arme et grand ami, le général Jean-Philippe Danède, alors commandant le groupement I/2. Nous nous découvrîmes alors davantage, Manu se livrant beaucoup plus sur son parcours atypique, et me faisant découvrir de nombreux amis communs
L’estaminet de Manu dénommé bien sûr “Chez Manu” était déjà devenu un lieu célèbre pour les militaires stagiaires. Ce qui en faisait l’attrait, c’était Manu, sa personnalité unique par sa gentillesse, son optimisme rayonnant (sa formule magique : “c’est pas grave!”, son humanité, sa mémoire exceptionnelle qui lui permettait de reconnaître une personne passée chez lui plusieurs années auparavant.
Affecté en 2002 à la tête du CNEFG, une des premières personnes que je visitai fut Manu. Outre le grand plaisir de se retrouver, je lui exposai ma conception des choses. Plutôt que de voir les stagiaires s’égayer dans la nature durant les quelques soirées libres qui leur étaient accordées durant les stages, je préférais qu’ils allassent chez lui. Que des avantages. Les militaires pouvaient ainsi changer d’ambiance, se distraire, mais ils restaient d’une certaine manière, sous contrôle. En retour, je demandai à Manu de tout faire pour que tout se passât au mieux. Et il n’y eut jamais d’esclandre.
Mais je n’imaginai pas que Chez Manu allait devenir une composante à part entière dans le produit CNEFG que je développai alors. En effet, se manifesta un rituel. Notamment à l’issue du dernier exercice de nuit, nous nous retrouvions Chez Manu. Qui souvent nous gâtait en préparant plats garnis de jambon et autres salaisons pour nous revigorer après des entraînements très intenses. Et là, comme une alchimie sociale, un phénomène exceptionnel se produisait. Au-delà des grades, c’étaient des militaires, frères d’arme, qui se rencontraient, échangeaient, certes toujours respectueux, mais sans aucun formalisme. Au-delà des militaires, c’étaient des hommes, des femmes, qui partageaient leurs convictions, exprimaient leurs ressentis. L’humour était de mise, et l’ambiance était toujours joyeuse, avec des moments mémorables. Manu était là, à la fois discret et omniprésent, toujours attentionné, rayonnant, et pratiquant systématiquement le tutoiement, même avec les préfets, les diplomates, les généraux, les amiraux …qui faisaient le déplacement dans ce lieu devenu incontournable. Dans lequel certains n’auraient jamais pensé se commettre.
Une alchimie de socialisation. Je n’ai jamais vu tant de gens de milieux, de conditions, de parcours aussi différents se mêler, se découvrir et s’apprécier. Militaires de la Gendarmerie et des autres armées de tout grade, policiers, journalistes, auditeurs du Centre des hautes études militaires (CHEM), auditeurs de justice, stagiaires de l’administration pénitentiaire, de la SNCF… Et le phénomène dépassa les frontières de l’hexagone. Pour tous les contingents étrangers, c’était un lieu incontournable tournant au pèlerinage pour ceux déjà initiés. Je pense en particulier aux gendarmes et policiers suisses, aux gardes civils dont le général tint en personne à honorer ce lieu de sa présence, aux gendarmes roumains, aux policiers britanniques, allemands, aux nombreuses délégations européennes, bien sûr à nos camarades africains et canadiens, hôtes traditionnels du Cnefg.
Manu, je te retrouvais lors de chacune de mes venues à la Maison mère de la mobile. Toujours jovial. Toujours si accueillant. Nous reprenions parfois de vieilles discussions entamées des années auparavant. L’existence de Dieu, les politiques, la France…tu maugréais souvent devant cette actualité qui te consternait mais tu restais toujours positif.
Mi hermano de leche. C’était notre façon de nous appeler. Ces dernières semaines, malgré la maladie, tu étais toujours radieux, tournant les choses avec dérision, cultivant l’humour, sans jamais te plaindre. Et tu étais si fier de ton fils, Dorian, qui a suivi tes pas en entrant dans la police nationale.
Manu. Merci pour ton inconditionnelle amitié. Merci pour ton attachement à la Gendarmerie et au CNEFG en particulier. Merci pour tout ce que tu as apporté de bons moments à tant de personnes.
Avec ton départ, c’est un page qui se tourne dans l’histoire de la Mobile et du Cnefg.
A Dieu et A Dios.
Le servant au grand cœur dont nul n’était jaloux
Hommage du colonel (ER) Philippe Cholous.
Sans doute ne suis-je pas le plus proche et donc le mieux fondé pour rendre hommage à Manuel Sanchez. Il le faut pourtant car j’ai bénéficié de cette authentique amitié qu’il offrait en confiance et sans contrepartie. Manu se caractérisait à mon sens par deux immenses qualités qu’il avait chevillées au corps, d’une part l’humilité, d’autre part la générosité. Manu était humble. Il écoutait parler les autres et ne se livrait guère que si on l’interrogeait. C’est ainsi que beaucoup ignorait par exemple son passage à la légion étrangère. Manu était généreux. Il faisait partie de ces gens auxquels on pense quand on subit un coup dur et que l’on a besoin d’un coup de main, car on savait qu’on pouvait le solliciter à n’importe quelle heure. Il nous aurait écouté et bien reçu. Il aurait fait le maximum. Manu avait de l’instinct pour les choses essentielles. Ainsi, lui le fils de républicain espagnol, avait tenu à recevoir personnellement le dernier prêtre résident de façon permanente à Saint-Astier, Curé qui après avoir emmenés chaque année de jeunes astériens aider les chiffonniers du Caire, partait dans la relative indifférence des bien-pensants. Comme beaucoup d’entre nous, Manu n’a pas eu une existence linéaire. Parfois fantasque, sa vie a connu des hauts et des bas, sur le plan commercial comme affectif. Bien évidemment Manu n’était pas un Saint, mais assurément, il y avait une part de sainteté chez Manu.
Manu fut lié à la Gendarmerie mobile. Il avait fait de son établissement une Institution reconnue au point que les stagiaires de l’école de guerre issus des autres armées qui, chaque année venaient voir un exercice synthèse, y exigeaient un long passage nocturne. Manu connaissait les gendarmes mobiles, les instructeurs du CNEFG, leurs épouses qui prenaient le café chez lui et souvent leurs enfants. Manu faisait partie de l’imaginaire et de la réalité de la grande famille de la Gendarmerie mobile.
Oui en vérité nous avons perdu l’un des nôtres.
A Dieu Manu.
Je prends connaissance de ce témoignage émouvant
Plein de sincérité ,d’amitiés vraie pour un copain, qu’on
soit général ,colonel ou simple gendarme p……
ça me fout la chaire de poule et la larme a l’œil
Voilà ! ça c’est de l’amitié
je m’associe à votre peine
comme si c’était mon « pote » en tant qu’illustre inconnu , Salut Manu !
Et merci ! aux rédacteurs
pour ce témoignage .
Hommages tellement émouvants !
Merci messieurs !
Je connaissais l endroit mais trop tôt pour connaître Monsieur Manu.
Un ancien moblot
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