Zones de compétence : “L’inquiétude plus que justifiée de la Gendarmerie” selon un colonel en retraite

0
Brigade de Gendarmerie en zone rurale, dans le Var (Photo ASPMG pour LVDG)

A la suite de la publication du Livre blanc de la sécurité intérieure qui évoque une révision des zones de compétence Police Gendarmerie, la Voix du Gendarme publie une tribune du colonel de Gendarmerie (ER) Philippe Cholous, l’un de nos conseillers. Cet officier en retraite, bien que figure de la mobile, a notamment commandé la compagnie de Valenciennes, et à ce titre, a été associé à des travaux préparatoires de redéploiement de zones de compétences.

Sur le même thème : Livre blanc sur la sécurité intérieure : la mise en garde du général Roland Gilles au ministre de l’Intérieur

Révision des zones de compétence ou l’inquiétude plus que justifiée de la Gendarmerie

Par le colonel (ER) Philippe Cholous

Comme nous le rappelle le philosophe américain Georges Santayana, “ ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter”. Or l’annonce d’une nouvelle répartition des zones de compétence entre Gendarmerie et Police est une histoire connue, qui s’est jusqu’à présent toujours écrite aux dépens des Gendarmes et de l’intérêt général. Lorsque des études furent conduites entre 1995 et 1998, je fus alors associé comme commandant de la compagnie de Valencienne, aux travaux préparatoires. J’en garde un souvenir cuisant, celui d’un jeu de dupes. La nécessité de dissoudre certaines brigades en zone de police d’Etat ou superfétatoires, fut souvent une chose bénéfique. Ce fut à mon sens la seule. 

En effet, en interne, je me souviens du fait que les commandants de brigade et de compagnie souhaitaient d’instinct conserver les zones criminogènes faisant l’intérêt de leur métier et le sens de leur engagement. Dans le Nord, ce ne fut pas compris par une hiérarchie qui inscrivit ses conclusions dans une logique purement comptable. In fine nous fûmes confrontés à des logiques inversées de la Gendarmerie et de la Police au bénéfice exclusif de cette dernière.

En effet, les responsables de la Gendarmerie ne se donnaient le droit de ne réclamer la compétence sur une zone, que si l’Arme en avait immédiatement les moyens matériels et humains. La Police sollicitait quant à elle de nouveaux espaces de compétence, avant de réclamer puis d’obtenir les moyens matériels et humains indispensable à cette reprise. Nous n’avions pas les mêmes règles.

Sur le même sujet : Livre blanc : des villes de 30000 habitants et des départements complets pour la Gendarmerie ?

Enfin, j’observe que la notion de bassin de délinquance avancée par le ministre, n’a pour l’heure fonctionné que de façon très inégale. En effet, si elle l’a été au bénéfice de la Police nationale dans nombre de zones urbaines, elle ne l’a pas été au bénéfice de la Gendarmerie ailleurs.

L’annonce médiatisée et presque condescendante de la rétrocession de Saint-Tropez à la Gendarmerie, demeure en effet l’arbre qui cache la forêt.

Philippe Cholous

A titre d’exemple pédagogique et pour prendre une aire géographique que je connais particulièrement bien, La Baule et Le Pouliguen ressortent évidemment du bassin de délinquance de Guérande qui est en zone de compétence de la Gendarmerie. Or, au contraire du Croisic et de Batz-sur-mer, La Baule et Le Pouliguen restent résolument et contre la logique d’intérêt général en zone de compétence Police nationale. La question se pose d’ailleurs dans toutes les zones attractives, comme au Touquet, autre exemple. 

Par conséquent, si la réflexion est véritablement conduite par le ministère de l’Intérieur dans une logique d’intérêt général, nous le verrons immédiatement, car certaines bascules devront alors se faire également au profit de la Gendarmerie, y compris dans les zones géographiquement attractives.

Rendez-vous est pris !