Sainte-Soline : le général Bertrand Cavallier prône l’adéquation des moyens face aux milices extrémistes

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Pilotes de quads poursuivis par des manifestants radicaux (Photo Ministère de l'Intérieur)

Le général de division (2S) Bertrand Cavallier, expert en maintien de l’ordre, conseiller de La Voix du Gendarme et consultant pour différents médias, revient sur les évènements de Sainte-Soline et tire trois leçons, dont la guerre informationnelle et l’adéquation des équipements à la violence paroxystique de ces groupes extrémistes. Il suggère la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la fonction maintien de l’ordre, qu’il estime menacée. Le spécialiste du maintien de l’ordre pose implicitement la question de l’indispensable réarmement des forces mobiles, notamment privées de l’emploi des drones alors que les milices d’ultra-gauche en disposent, et du lancement à main des grenades Gm2l. (*)

Le général Cavallier (Photo DR)

Le 25 mars sera une date de plus qui comptera dans l’histoire de la gendarmerie mobile. Durant deux heures, les images sont plus que parlantes, la gendarmerie mobile, renforcée par des éléments de la GD et de la Garde républicaine, a interdit à des hordes d’extrémistes, l’accès à une réserve d’eau. Rappelons que cette retenue a fait l’objet d’un processus de validation auprès de l’ensemble des acteurs locaux et auprès des juridictions administratives. Rappelons également que la manifestation aux abords de cet ouvrage était interdite par arrêté préfectoral.

Les Gendarmes, confrontés à une violence paroxystique, ont tenu la ligne. Absorbant la violence adverse, répondant de façon graduée, conservant un grand sang froid,  ils ont stoppé les assauts de colonnes de radicaux, très bien équipés, et manoeuvrant de façon quasi-militaire. Au-delà de l’objectif tactique, ils ont contribué à la primauté de l’état de droit et la cohésion du corps social local.

Trois leçons sont à retenir de cet engagement de haute intensité..

Première leçon : la dimension politique

Tout d’abord, la dimension politique de cette opération. Il existe dans notre société, de façon structurelle une mouvance extrémiste, que l’on qualifie d’“ultra gauche”, qui s’inscrit dans un processus historique de scission avec la gauche communiste qui à opté pour la participation à la pratique démocratique parlementaire. Adossée à un corpus doctrinal et opérationnel précis, adepte de la violence systémique, elle affiche de facto un mépris total de la personne humaine. Agissant sur le terrain symbolique, mais aussi dans la recherche de la déstabilisation du corps social et de l’Etat, elle recherche prioritairement la confrontation avec les forces de l’ordre. Elle met à profit toutes les situations de fragilité, comme par exemple dans certaines banlieues, pour favoriser le grand désordre, seul contexte permettant d’amorcer la dynamique révolutionnaire, et ce, quitte à tisser des alliances paradoxales. De façon pragmatique, elle privilégie la conquête de territoires, notamment à partir de ZAD, au sein desquels elle développe des modes d’action combinant la violence physique à l’action psychologique contre la population locale qui n’adhère pas à ses thèses. Face à cela, il est particulièrement préoccupant qu’une partie de la classe politique, soit de façon ambiguë, soit de façon ouverte, cautionne les agissements de ces groupes ultra-radicaux.

En d’autres termes, Sainte-Soline constitue un marqueur, un révélateur, du positionnement idéologique fondamentalement anti-démocratique de certains acteurs, sans évoquer les points d’appui, voire les creusets, où se diffuse et se perpétue ce courant maximaliste, soit des arsenaux idéologiques que constituent certaines universités, ou Instituts d’études politiques (IEP), et dans lesquels se conditionne une partie de la jeunesse.

Deuxième leçon : la guerre informationnelle

Ensuite, l’avènement de la guerre des images ou guerre informationnelle. Ces mouvances extrémistes, sont parfaitement structurées, certes pour les opérations de vive force, j’y reviendrai, mais également pour l’action de propagande et de désinformation. La captation des images, leur décontextualisaton, la diffusion assumée de fausses informations, pour abonder les réseaux sociaux, mais également les grands médias nationaux, notamment télévisuels, s’inscrivent dans une démarche très aboutie, très professionnelle, avec une parfaite maîtrise des techniques les plus modernes. Bien évidemment, l’objectif est d’une part, de revendiquer le camp du bien, soit la juste cause, et d’autre part de stigmatiser les forces de l’ordre, sur fond de victimisation de ceux qui les affrontent. Ceci renvoie au sein des forces de l’ordre, bien sûr animées par le souci premier de la personne, à l’impératif d’une grande exigence comportementale et d’un respect premier du cadre légal.

La provocation, le harcèlement des forces de l’ordre, et la montée voulue dans les extrêmes de la violence de ces activistes, a pour objectif de susciter une erreur individuelle, parmi les militaires ou fonctionnaires, d’autant qu’ils sont soumis à une grande pression psychologique et à une usure physique due au sur-emploi. Cette montée dans les extrêmes accroit évidemment les risques inhérents à l’usage nécessaire de la force par les Gendarmes et policiers, avec celui de dommages corporels subis par un dit manifestant. C’est là le scénario, dramatique, qui fait alors l’objet d’une instrumentalisation d’envergure avec un conditionnement des perceptions de l’opinion publique, dont le but est de mettre sous pression le politique et de neutraliser sa volonté.

Les assaillants sont allés jusqu’à placer des engins incendiaires et explosives dans les passages de roues des véhicules de Gendarmerie (Photo Ministère de l’Intérieur)

L’enjeu devenu central de l’image est donc de pouvoir contrer les manipulations et autres inversions de la réalité pour rétablir une compréhension objective des faits par l’opinion publique. Phénomène révélateur, de plus en plus de militaires et de fonctionnaires filment par eux-mêmes et diffusent sur des réseaux sociaux, au départ professionnels, des séquences sur la situation qu’ils ont vécue. Tel est le cas pour Sainte-Soline, avec ce déluge de violence filmé avec son téléphone par un Gendarme conducteur d’un véhicule touché notamment par des cocktails molotov. Outre qu’il montre la réalité vraie, il permet à tout en chacun, de façon très humanisée, de ressentir ce qu’a vécu ainsi ce militaire. 

Cet enjeu central de l’image est aussi induit par la mise en cause systématique des forces de l’ordre devant la justice. Dès le moindre dommage mais également dès le ressenti d’une restriction des certaines libertés, la machine judiciaire est activée, pouvant toucher tous les personnels d’un dispositif de maintien de l’ordre, de l’exécutant jusqu’à l’ensemble de la chaîne de commandement. L’image, fournie pour l’instant mais de façon trop limitée par les caméras piéton, est déterminante pour apporter des éléments à même d’établir la réalité des faits devant le magistrat.

Corrélativement, car les opérations de maintien de l’ordre sont souvent complexes, et qu’elles ne peuvent relever d’une lecture abrupte et immédiate, il convient de densifier la protection fonctionnelle en disposant d’avocats rompus à cette matière du contentieux dans l’emploi de la force au maintien de l’ordre, mais également de mieux former les acteurs de tout niveau à cette éventualité de la mise en cause. La question de l’entraînement pouvant au demeurant être évoquée devant des juridictions, à l’heure où l’on ne tient plus les rythmes normaux de recyclage des escadrons de gendarmerie mobile au Centre national d’entraînement des forces de Gendarmerie de Saint-Astier (CNEFG).

3ème leçon: l’adéquation des équipements à la violence paroxystique de ces groupes extrémistes

Enfin, Sainte-Soline conforte un questionnement de fond au sein des praticiens du maintien de l’ordre, s’agissant de l’adéquation des équipements et armements à la violence paroxystique produite par ces groupes extrémistes, mais qui peut également survenir dans d’autres contextes caractérisés notamment par le déchaînement subi d’une foule.

Un manifestant équipé d’un chalumeau incendie un fourgon de Gendarmerie (photo ministère de l’Intérieur)

Deux phénomènes se sont télescopés, soit la contraction continue des armes de force intermédiaires depuis le drame de Sivens, et dans le même temps la montée en gamme des armes par destination détenues par les activistes, notamment l’usage quasi systématique du mortier d’artifice, mais aussi la combinaison de dispositifs incendiaires (bouteilles en plastiques remplies d’essence) avec des pétards de façon à en augmenter l’effet, la confection de projectiles équipés de pointes de métal…

Or l’interdiction de lancer à la main la grande Gm2L, sachant que les grenades de désencerclement démontrent leur limites et que le tirs de LBD sont inefficaces face à des individus sur-protégés, aboutit objectivement à une grande difficulté des forces de l’ordre de maintenir à distance un adversaire très violent dans la zone de contact des 20 derniers mètres.

Ce positionnement permet aux éléments radicaux d’optimiser de façon notable l’emploi des leurs armes, en visant au plus près Gendarmes et policiers, causant un plus grand nombre de blessés (brûlures par engin incendiaire et bouteille d’acide, traumatismes dus à l’éclatement d’artifices à hauteur des visages, ou à l’impact de projectiles contondants ou acérés…), voire des morts.

Les adversaires utilisent des drones, les Gendarmes n’en ont pas le droit…

En termes d’équipement, il faut également s’interroger sur une autre dissymétrie. A Sainte-Soline, l’adversaire, très bien articulé, a utilisé des drones qui lui ont permis d’avoir une vision très précise, en instantané, du dispositif de la Gendarmerie, et de son évolution. Ces professionnels du désordre et de l’action violente, souvent fanatisés, ont pu ainsi adapter leurs modes opératoires. Attaquant sous plusieurs cotés les positions de la Gendarmerie forcément étirées compte tenu du vaste périmètre à tenir, ils ont ensuite, selon le principe de la concentration des efforts, déployé une colonne d’assaut pour percer les lignes de défense des Gendarmes.

Il est donc urgent que le bon sens premier soit de mise au sein de certaines instances pour revenir sur l’interdiction de l’emploi des drones tant s’agissant des opérations de maintien de l’ordre que de celles de nature judiciaire.

Cette situation d’activistes, de voyous, disposant de moyens d’observation, de repérage, et bientôt probablement d’action directe sur les forces de l’ordre, alors que dans le même temps, leur emploi est interdit aux Gendarmes et policiers, est totalement absurde.

Le rôle très important tenu par la composante portée sur quad

Gendarmes en quad pris à partie par des mortiers d’artifice (Photo Ministère de l’Intérieur)

Pour revenir aux moyens mis en oeuvre par les forces de l’ordre, il faut noter le rôle très important tenu par la composante portée sur quad, qui a permis, en renouant avec les principes fondamentaux de la manoeuvre, soit l’action sur les flancs d’un adversaire violent, de diminuer la pression qu’exerçaient les colonnes d’assaut des activistes sur le dispositif de défense ferme des Gendarmes.

Pour finir, la question d’une commission d’enquête parlementaire sur la fonction maintien de l’ordre qui est aujourd’hui menacée, alors qu’elle est centrale dans la stabilité d’une démocratie, se pose. Elle est mise en danger d’une part par la présence et la passivité complice d’élus de la République avec leurs écharpes tricolores qui “légitiment” intrinsèquement les agissements des milices d’ultra-gauche. Et d’autre part, par la dissymétrie des équipements entre les forces de l’ordre et ces phalanges extrémistes.

(*) L’UNPRG, première association de Gendarmes demande attend une “réponse ferme de l’État”.

Les rapports officiels diffusés sur le site du ministère de l’Intérieur

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