
Très attendu, le Livre blanc de la Sécurité intérieure, lancé en 2019 par l’ancien ministre de l’Intérieur a été mis en ligne ce lundi 16 novembre.
Sur les quelques 200 propositions, l’une risque de “faire du bruit” dans le landerneau sécuritaire, puisqu’elle relève le seuil historique de population délimitant les zones de police d’état et de Gendarmerie.
La Gendarmerie pourrait s’implanter dans des villes de moins de 30000 habitants, voire jusqu’à 40000 si elle est mieux placée et être la seule force dans certains départements “dès lors que la situation locale le justifie”. On pense par exemple, mais cela n’engage que la rédaction, et en aucun cas la direction de la Gendarmerie, à la Lozère ou à la Creuse voire les Alpes-de-Haute-Provence.
La cybercriminalité à la Gendarmerie, et la Police technique et scientifique à la Police
L’autre sujet impactant de manière importante la Gendarmerie, la création de deux services centraux à compétence nationale qui seraient créés par le ministère qui veut “rénover la biométrie” et faire appel davantage aux technologies de l’intelligence artificielle (IA).
La Cyber-criminalité sera confié à la Gendarmerie qui a pris le leadership sur ce sujet avec son forum international sur la cybercriminalité, le FIC, (repoussé en avril) tandis que la Police technique et scientifique, la PTS sera sous la tutelle de la Police.
“Redessiner la carte territoriale des forces de sécurité”
Passant en revue les très nombreux champs de la sécurité intérieure et le rôle des différents acteurs, le Livre blanc énonce de nombreux objectifs sur la base de constats dont le plus concret et le plus impactant pour la Gendarmerie consiste à “redessiner la carte territoriale des forces de sécurité”, dans “une approche transversale, décloisonnée et déconcentrée des missions de sécurité et adapter les organisations en conséquence“.
Sur le même sujet : Livre blanc sur la sécurité intérieure : la mise en garde du général Roland Gilles au ministre de l’Intérieur
“Police et Gendarmerie nationales doivent également apprendre à mieux partager
Ce sujet très sensible de la réorganisation territoriale a déjà entraîné la réaction immédiate du général d’armée Roland Gilles, ancien DGGN et adjoint au maire d’Albi (Tarn) qui propose de confier des départements entiers à la Gendarmerie, ce que n’exclut d’ailleurs pas le Livre blanc en parlant de départements monoforces.
En partant du constat, que “nombreux sont en effet les écueils rencontrés quand les forces affectées à la lutte contre la délinquance se présentent en ordre dispersé, sans coordination“, les auteurs préconisent une “approche plus globale et intégrée que celle qui a pu prévaloir pendant de longues années” et estiment que “les organisations doivent dépasser les frontières des services pour privilégier un regard transversal des questions à traiter en mutualisant les compétences et les connaissances”.
“Police et Gendarmerie nationales doivent également apprendre à mieux partager et pour cela ajuster leurs organisations pour privilégier une appropriation partagée des enjeux en mutualisant et optimisant les moyens à leur disposition
Les “plumes” de la place Beauvau
Sans concession avec l’organisation de la Police nationale – laquelle souffre avant tout de son morcellement- qui ne donne plus satisfaction, le Livre blanc revient détaille par le menu l’organisation de la Police et de la Gendarmerie “qui doivent également apprendre à mieux partager et pour cela ajuster leurs organisations pour privilégier une appropriation partagée des enjeux en mutualisant et optimisant les moyens à leur disposition”.
Dans un long paragraphe sur “l’évolution des modes de vie, le changement de la physionomie de la population, qui s’est agglomérée dans et autour des villes et qui vieillit”, les auteurs constatent que “l’urbain ne s’oppose plus au rural” et évoquent l’émergence des métropoles qui s’affirment tout en s’inscrivant dans des systèmes urbains bien plus larges où villes-centres et périphéries sont interdépendantes.
La Gendarmerie concentre près des 2/3 de la croissance démographique entre 2014 et 2019
“L’émergence des intercommunalités et des regroupements de communes (communes nouvelles, communes-communautés) supplante le modèle communal ancien sur lequel la répartition des forces est basée” écrivent encore les auteurs qui rappellent que la Gendarmerie recouvre plus de 96 % du territoire en métropole et Outre-mer.
Surtout on apprend que la Gendarmerie concentre près des 2/3 de la croissance démographique entre 2014 et 2019.
Pour les auteurs, la Gendarmerie, “dans laquelle réside la moitié de la population française, se trouve plus spécifiquement impactée par ces évolutions majeures.”.
Les auteurs rappellent utilement qu’entre 2009 et 2019, la Gendarmerie nationale a resserré son dispositif territorial en procédant à la dissolution de 373 brigades territoriales, et qu’elle interrompu ce mouvement “pour ne pas mettre en péril la couverture territoriale des zones rurales” , qu’elle a remplacé par la création d’un nouveau mode de contact avec les citoyens, fondé sur les outils numériques (brigade numérique), ainsi que sur l’expérimentation de nouveaux modes d’organisation, tels que les brigades territoriales de contact, ou les brigades multimissions.
“Ces évolutions, réelles, restent malgré tout limitées et se heurtent à des pesanteurs paralysantes” analysent les experts de Beauvau qui jugent le schéma actuel de répartition des forces de sécurité intérieure “trop binaire”. Selon eux, “il doit évoluer vers une approche similaire, conjuguant pragmatisme local et vision stratégique de niveau ministériel.”
Des villes de moins de 30000 habitants voire 40000 pour la Gendarmerie
Rappelant également que “les redéploiements entre la Police et la Gendarmerie étant de fait gelés depuis 2014”, les rédacteurs du Livre blanc suggèrent “qu’il sera avant tout nécessaire de faire un bilan des opérations conduites précédemment afin d’en mesurer les résultats en terme d’efficacité au regard des gains dégagés et des coûts supportés“.
Dans une volonté de faire évoluer ces critères de répartition des forces de sécurité, “qui doit se traduire par l’évolution du seuil de population qui, dans le contexte d’agrandissement de la maille communale, a perdu de sa signification”, le ministère revisite complètement ces seuils qui étaient jusqu’à présent de jusqu’à 20000 pour la Gendarmerie et plus de 20000 pour la Police.
Les zones péri-urbaines au cas par cas
Les nouveaux seuils seraient les suivants : en dessous de 30000, le principe serait de confier le territoire à la Gendarmerie. Entre 30 et 40000 habitants, la ville serait attribuée à la force la mieux adaptée aux caractéristiques de ce territoire et au-dessus de 40 000 habitants, le principe serait la compétence de la Police nationale.
S’appuyant sur le constat que “la délinquance a tendance à s’uniformiser sur le territoire et qu’il n’y a pas de définition claire et partagée d’une délinquance qui serait propre à l’urbain, il faut donc dorénavant s’appuyer sur d’autres éléments pour différencier ZPN et ZGN et adopter une vision pragmatique et locale, fondée sur la réalité des territoires et le service rendu à la population” édicte le Livre blanc.
Si sur le rural profond et l’urbain dense, le problème de la répartition ne se pose pas, c’est sur le périurbain, soit 40 % du territoire métropolitain aujourd’hui (INSEE) que se pose davantage la question du meilleur choix à faire.
Ce sera donc du cas par cas avec “une réponse de sécurité publique différenciée et adaptée à la configuration locale“.
La qualité de cette réponse sera conditionnée par plusieurs facteurs-clés :
- organisation locale de la force compétente ;
- capacité à assurer une présence permanente, visible et rassurante, dansces zones aux attentes différenciées
- capacité à monter en puissance de manière autonome pour gérer efficacement une situation particulière, soudaine ou prévisible.
La répartition se fera, au vu de ces facteurs-clés, confrontés à la typologie du territoire, “au mieux disant” en termes de service public de sécurité, sous l’égide du préfet et en concertation avec les élus.
“Cette réorganisation pourrait aller jusqu’à transférer à la Gendarmerie nationale l’intégralité de la compétence territoriale sur certains départements, dès lors que la situation locale le justifie” prévient le Livre blanc qui rejoint ainsi la position de l’ancien DGGN Roland Gilles.
Un OPJ de la Gendarmerie officier du ministère public
Il faudrait alors suggère le Livre blanc étendre le régime d’état, né de l’étatisation des polices municipales en 1941, à la Gendarmerie.
Les auteurs préconisent un nouveau régime “redonnant toute sa place à la police du maire complémentaire de la police de l’État” qui “pourrait permettre la reprise par la Gendarmerie nationale de certaines circonscriptions de police isolées et à faible effectif, y compris chefs-lieux de départements.”
Dans les départements susceptibles d’être concernés par cette évolution, et qui ne sont pas précisés dans le document, les fonctions d’officier du ministère public pourraient y être exercées par un officier de police judiciaire appartenant à la Gendarmerie.
Le sujet du redéploiement est très délicat, et dans un souci d’éviter d’allumer un incendie, la Place Beauvau “démine par avance” le terrain.
Ainsi, le MININT propose “que cette délimitation nouvelle des deux zones soit équilibrée dans le volume des moyens concernés dans un sens comme dans l’autre et que, pour s’assurer que les deux plateaux de la balance soient équivalents, cette évolution s’effectuera sans transferts de postes, au plan national entre les deux forces de sécurité.”
Cette réforme “permettra à la police nationale de concentrer ses efforts dans les plus grandes agglomérations urbaines et d’étendre à cet effet sa compétence territoriale sur certaines communes, offrant ainsi un pacte de protection renouvelé à leurs habitants.”
La proposition du Livre blanc sur la réorganisation territoriale |
Faire évoluer la répartition territoriale entre police et gendarmerie :– Confier une mission d’évaluation des opérations de redéploiement déjà réalisées aux trois inspections (IGA, IGPN et IGGN).– Mieux faire coïncider la répartition des forces aux caractéristiques des territoires par une révision du régime de la police d’Etat et une adaptation des critères liés aux seuils de population en laissant la capacité de manœuvre finale au ministère de l’Intérieur. |
– Supprimer les critères d’automaticité de bascule en ZPN en cas de regroupement de communes dont l’une au moins est placée sous la compétence de la police nationale. |
D.C
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Beaucoup d’agitation mais peu de temps pour agir. Du DARMANIN pur sucre !
Voilà un ministre qui n’a pas compris que de tels projets impliquaient nécessairement un dialogue et une concertation avec les autorités supérieures de la Gendarmerie Nationale.
Le ministre, qui ignorait sans doute l’existence des gendarmes a ainsi réussi le tour de force d’en contrarier ou d’en fâcher beaucoup.
Par ailleurs, j’ignore qui, parmi ses conseils, a eu l’idée de confier des fonctions d’OMP à des officiers de l’Arme ?
J’espère que cette personne connait l’existence du code de procédure pénale et que la chancellerie a été consultée.
Il faut en effet modifier la loi pour concrétiser cette idée et je ne suis pas sûr que Monsieur DARMANIN ait bien appréhendé le chahut que pourrait provoquer au Parlement et dans la rue la désignation de militaires dans des fonctions juridictionnelles.
J’en reste là, une nouvelle fois consterné par la médiocrité du discours de nos gouvernants actuels.
Jacques ROTIVAL
Commissaire Divisionnaire Honoraire
Très fier de compter parmi ses amis des gendarmes de haut rang.
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