Un officier de Gendarmerie nous a adressé une analyse du tableau d’avancement. Il considère que le tableau d’avancement et la liste d’aptitude sont une photographie de l’Institution qui disent beaucoup de choses de la Gendarmerie. Ce point de vue n’engage évidemment que lui.
Ce que le tableau d’avancement ou la liste d’aptitude disent de la Gendarmerie d’aujourd’hui et de demain.
Par Ulysse Guillaume (pseudonyme)
La parution d’un tableau d’avancement ou la diffusion d’une liste d’aptitude constituent annuellement un temps fort pour une institution. Passés la joie, la déception et les interrogations des inscrits et des non-inscrits, il est intéressant de se pencher sur la signification plus profonde de cette liste de noms, photographie immédiate de ceux qui sont jugés les plus méritants d’une époque et qui doivent en constituer le plus brillant avenir.
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Le TA des officiers de Gendarmerie paru le 1er décembre répond à trois injonctions : celle de la féminisation assumée, celle de la course à l’indemnitaire et enfin celle du pouvoir central en Gendarmerie. Ces trois poussées combinées créent une dynamique RH qui interroge sur la soutenabilité à long terme du modèle.
L’engagement dans une politique d’égalité professionnelle est totalement acceptable à notre époque et ne peut faire débat. Ce qui est plus délicat c’est la façon d’y parvenir et le temps que l’on se donne pour cela. L’égalité consisterait à assurer aux femmes comme aux hommes les mêmes chances de progresser en fonction de leurs compétences. C’est le principe pur de la méritocratie assurant au corps de produire les plus aptes à faire progresser l’ensemble.
Des taux de promotion inégaux pour les femmes et les hommes
Or que constatons nous par exemple pour le TA officiers de cette année ? Une note confidentielle l’accompagnant permet de mieux comprendre si l’on se donne la peine de refaire les calculs sur les taux de promotion. Retraduite en chiffres, l’égalité professionnelle en Gendarmerie se traduit mathématiquement de la manière suivante en 2021 : si vous êtes une femme votre taux de promotion est de 29,95 %, si vous êtes un homme ce taux est de 20,7 %. Au prétexte de l’égalité, on s’oblige donc à l’inégalité créant ainsi l’injustice.
Au fil des ans, le nombre d’inscrits au TA n’a cessé d’augmenter (*) . Le nombre de généraux n’y est pas étranger mais il faut également prendre en compte la revalorisation salariale que constitue le passage plus large et plus jeune des grades. Alors que le point d’indice est gelé, faire plus de gradés permet de rémunérer plus et plus tôt dans la carrière. La Gendarmerie cherche ainsi à garder une forme d’attractivité et à acheter une forme de paix sociale. Le passage de grade ne correspond aujourd’hui plus vraiment à une prise de responsabilité. Les postes de commandement n’ont pas augmenté. Le caractère technique de passage prime donc souvent plus que la réussite dans son emploi. A moins d’un accident majeur, tous les officiers passant par l’EOGN (hors OGR et sous contrat) finiront colonel. De plus le filtre de sélection de l’École de guerre ayant été dérégulé depuis trois ans (conditions de présentation au concours et nombre de lauréats passant de 30 à 70), il n’existe plus à mi-carrière d’objectivation des profils sur le plan intellectuel à minima. Les brevetés étant tous déclarés hauts potentiels, il apparaît difficile de départager objectivement les personnes posant au gestionnaire des ressources humaines un problème de justification quand un militaire interroge : pourquoi lui et pas moi ?
La promotion accélérée de officiers proches des cercles de décision
Une dernière tendance, de plus en plus perceptible, est la promotion accélérée de officiers proches des cercles de décision. Les fins observateurs pourront donc voir que pour passer en première proposition, mieux vaut être au cabinet que dans une direction. Et à choisir entre une direction ou une autre autant être à la DPM (direction des personnels militaires) ! Quand à ceux qui servent en état-major zonal ou ailleurs, mieux vaut ne pas se faire d’illusion, la première proposition ne sera pas pour eux ! Au sein d’une même population, il y a donc des différences grandissantes et de plus en plus marquées entre d’une part “ceux qui ont tout” et les autres. Une rencontre opportune, une recommandation appuyée, ou parfois même le hasard, permettent d’accéder à ce cercle restreint offrant une visibilité optimiste sur sa carrière. Le succès apparent se confond ici assez facilement avec le mérite ou le talent. Les élus n’en perdent pas pour autant la certitude de leur suprématie jalousement conservée dans l’entre-soi.
Passées les passions de sa parution et sans jouer les haruspices, il est possible de tirer trois conséquences partielles des choix opérés par la Gendarmerie en matière de promotion de ses cadres. Ces résultantes cumulées poseront inévitablement à long terme des problèmes de fond en matière de cohésion, d’état d’esprit et de fonctionnement général de la Gendarmerie.
La première évidente est le manque de motivation d’une part de plus en plus massive des officiers de Gendarmerie face à l’érection d’un système déviant des notions de mérite, de travail, de responsabilité et de juste reconnaissance.
La première évidente est le manque de motivation d’une part de plus en plus massive des officiers de Gendarmerie face à l’érection d’un système déviant des notions de mérite, de travail, de responsabilité et de juste reconnaissance. L’embolie couplée à l’anomie vont générer en cascade un certain nombre de problèmes : frein à la mobilité en privilégiant la géographie, frein au travail en priorisant ses intérêts et le bien-être, isolement des titulaires de commandement confrontés à des subordonnés offrant le minimum, aigreur et cynisme entraînant un esprit contestataire contagieux dans les masses, etc. À la remarque “mais pourquoi rester ? ”, il suffit de répondre “ mais pourquoi partir ? ” considérant l’assurance à moindre investissement de toucher une solde confortable associée à un logement, et sans risque majeur d’être sanctionné.
Une deuxième conséquence sera la remise en cause du pouvoir. Elle ne tendra bien évidemment pas à des actes répétés et graves d’insubordination mais elle se fera de manière plus pernicieuse. Il suffira pour le subordonné de ne pas faire ou de faire le minimum en se réfugiant derrière les innombrables textes et recours existants. Le rapport au commandement s’établit par la double reconnaissance du pouvoir (confié) et de l’autorité (reconnue) qui lui est associée. Dès lors que l’on déconstruit les parcours reconnus légitimes par la majorité, on s’expose à une remise en cause des chefs qui seront demain portés aux responsabilités. Il en découlera inévitablement pour une structure militaire des fragilités lourdes notamment face aux contingences d’un monde en crise.
Mieux vaut savoir rédiger un tweet qu’une circulaire ou un ordre d’opération.
Enfin, c’est la cohésion générale du corps de officiers qui est traversée par des lignes de faille. La principale est celle qui s’opère entre ceux qui décident et ceux qui font, entre ceux qui lancent des idées et se valorisent avec et ceux qui les mettent en œuvre. Les premiers sont promus, les autres pensent l’être aussi vite par leurs efforts. Pourtant tel n’est pas le cas actuellement. Mieux vaut savoir rédiger un tweet qu’une circulaire ou un ordre d’opération. Quand la fracture sera totale, qui mettra correctement en œuvre et fera le lien entre la tête et la troupe ? Le risque de perte de savoir faire global en terme purement tactique est également probable. A valoriser le savoir être plutôt que le savoir faire et à promouvoir des jeunes officiers sans expérience suffisante du terrain et du commandement, comment assurer aux Français que nous “répondrons présent” demain ?
La constante immuable des armées victorieuses est liée au moral des troupes. Plus que la technologie, c’est le biologique qui décide dans la bataille. La cohésion, la reconnaissance d’une chaîne de commandement solide, compétente et reconnue permettent de “répondre présent” en toute circonstance, avec résilience. Il ne s’agit pas de nier les évolutions de la société mais de comprendre que la Gendarmerie sera potentiellement demain confrontée à des crises graves et qu’elle devra, en tant qu’institution militaire de l’ordre intérieur de la Nation, prendre ses responsabilités comme les armées le font s’agissant des intérêts extérieurs de la France. Et pour cela, elle sera seule. Le TA est une photographie qui sera passée au révélateur du temps. Puissent les orientations présentées dans ce billet ne rester que de pures fantaisies.
(*) note : l’arrivée prochaine à l’asymptote décuplera d’ailleurs les conséquences évoquées
Un excellent article emprunt de constats objectifs, de vérités et de lecture de l’avenir.
Totalement d accord il suffit d avoir un/une ami (e) au RH pour avoir le poste que tu convoite.
Les stages les spécialités n y changent rien. Je suis moi même dégoûté de l institution de par son manque de reconnaissance à l égard des profils les plus méritants et détriment de celles et ceux qui connaissent intel. Au début de carrière on te vend du rêve et t expliquant que ta seul limite c est toi. Bien sûr que non ta seule limite C est le nombre de barrettes que tu connais.
la gendarmerie au service de la France et des français ? ou d’un état faillit de mois en mois plus tyrannique ?
Vu la situation actuelle, la déliquescence ‘(déjà observable) de l’institution servira plutôt les intérêts des français ruraux. On en est là !
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