Devant les députés, le Directeur général évoque le changement historique de paradigme de la Gendarmerie

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le DGGN Christian Rodriguez devant la commission de la Défense le 27 juillet 2022 (capture d'écran vidéo AN)

Auditionné pour la première fois de la nouvelle mandature par les députés de la commission de la Défense nationale et des forces armées, renouvelée à 80%, le directeur général de la Gendarmerie, le général d’armée Christian Rodriguez a dessiné la Gendarmerie de demain.

En l’absence du président, Thomas Gassilloud, (Renaissance, 10ème circonscription du Rhône), c’est l’un des vice-présidents, Loïc Kervran, (Horizons et apparentés, 3ème circonscription du Cher), qui a présidé la séance.

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En présentant son plan “Gend 20-24” aux nouveaux députés, le chef des Gendarmes a estimé que la Gendarmerie est en train de changer de paradigme avec des Gendarmes qui vont “aller vers” les usagers plutôt que d’attendre au bureau les visiteurs. Il aussi balayé de nombreux thèmes comme la défense opérationnelle du territoire (DOT), la “Gendarmerie verte”, la formation initiale, l’affirmation de la militarité et le durcissement du discours sur la symbolique, le durcissement des PSIG mais également le manque de chiens pour interpeller les malfaiteurs “sans effet de bord”.

Le DGGN a aussi répondu ou promis de répondre à des questions des parlementaires très diverses, comme la directive européenne sur le temps de travail, les brigades de gestion de l’évènement (BGE), les futurs blindés et la doctrine du maintien de l’ordre, la transformation numérique, “un sujet qui le passionne et qui l’obsède”, les Cadets de la Gendarmerie, les suicides et, plus étonnant, le taux de divorce important au sein des militaires de l’Arme qui est souligné dans le rapport du haut comité à l’évaluation de la condition militaire, comme l’a relevé le député Lionel Royer-Perreaut (Renaissance Bouches-du-Rhône).

La dernière fois que nous avons changé de modèle, c’était il y a 300 ans lors de la création des brigades, il faut s’adapter aux modes de vie des territoires, nous devons produire de la sécurité partout grâce à notre maillage et notre statut militaire”

La dernière fois que nous avons changé de modèle, c’était il y a 300 ans lors de la création des brigades, il faut s’adapter aux modes de vie des territoires, nous devons produire de la sécurité partout grâce à notre maillage et notre statut militaire” a commenté au sujet de ce qu’il considère comme un nouveau paradigme pour la Gendarmerie, le “aller vers”.

Le principe de la redevabilité doit guider notre action et nous travaillons sur ce que nous allons faire dans les mois à venir, avec des outils comme des cartes de chaleur (*) et il faut aller plus loin, et mieux accompagner les séniors” a développé le représentent la répartition territoriale de la délinquance,

L’idée ce n’est pas d’avoir des Gendarmes qui attendent l’usager, mais d’aller vers les gens, le Gendarme prend ses rendez-vous avec son Néo et est itinérant, nous allons voir des Gendarmes partir dans des bouts de France où on ne va jamais, dormir au besoin chez l’habitant, dans des gîtes, c’est un modèle radicalement différent” a expliqué le général Rodriguez.

Volontiers disruptif, il a affirmé être favorable à une “sortie du cadre” pour les 200 futures brigades promises par le président de la République en révélant avoir vu passer des projets de brigades “hybrides” dotées de trottinettes électriques ou de chevaux. “Ce sera à la carte” a t-il promis.

Quant aux implantations de ces brigades, elles seront décidées en étroite concertation avec les élus et les préfets. “Nous travaillons beaucoup avec les associations d’élus, en particulier l’AMF” a ajouté le Directeur général.

Verbatims

La militarité du Gendarme

Exposé du DGGN

“L’ADN militaire est dans la formation initiale du Gendarme, nous avons durci le discours sur la symbolique militaire, avec notamment le nouveau chant de la Gendarmerie, et je constate que le Gendarme se sent plus militaire que jamais et qu’il choisit aussi la Gendarmerie pour ça et pas la Police, je n’aurais pas parié là dessus il y a 15 ans. Nous avons besoin de Gendarmes capables de manoeuvrer sous le feu, car il n’y a pas qu’en Guyane où les Gendarmes se font tirer dessus, et la base, lorsqu’on se fait tirer dessus, c’est de se poster et de riposter, et je me suis rendu à la Valbonne pour un entraînement des PSIG avec l’armée de Terre, et j’ai vu des Gendarmes, jeunes et moins jeunes sauter, courir, se coucher par terre, malgré la chaleur et l’équipement lourd, et être contents de le faire”.

La défense opérationnelle du territoire (DOT)

Question de Caroline Colombier (RN Charente) :

Le rôle de la Gendarmerie, c’est surtout de tenir le territoire, il y a des constructions répertoriées, mais faut aller au delà, il y a des points intéressants à connaître qui ne sont pas forcément classés comme des points de distribution d’électricité, même un château d’eau, il faut aussi être capable de se projeter rapidement et être en capacité de faire face en primo intervenants face à des gens lourdement armés.” “Ce n’est pas éloigné de ce que nous nous préparons à faire en durcissant nos PSIG, mais ca nous oblige aussi à nous poser des questions au sujet de l’armement dont nous devons être dotés”.

Les nouveaux blindés

Question de Christophe Bex (LFI-Nupes Haute-Garonne) (qui a salué le travail inlassable des Gendarmes qui ont su nouer un lien singulier avec la population et leur popularité) sur les équipements anti-émeutes des futurs blindés – la lame flottante à l’avant, le système lance grenades, la caméra longue portée avec vidéo surveillance – “qui soulèvent un certain nombre d’interrogations”, l’usage des futurs véhicules blindés dans la stratégie de maintien de l’ordre lors de rassemblements publics, et les perpectives d’évolution de la stratégie de maintien de l’ordre :

Les Centaure (*) sont un blindé qui remplace un autre blindé, le VBRG qui était déjà doté d’une lame et d’un tourrelleau sur lequel il y avait une arme de guerre, or il est évident que sur le maintien de l’ordre il n’y aura pas d’armes de guerre, et ce blindé ce n’est pas que du maintien de l’ordre, c’est aussi pour des violences urbaines lourdes et qu’on se fait tirer dessus, ça arrive plus souvent qu’il y a 20 ans, il faut protéger les gens qui se déplacent dans le véhicule, aux Antilles, c’était un sujet, on avait pas assez de blindés pour protéger tout le monde, le blindé c’est aussi un moyen de manoeuvre, on les sort pas souvent pour le maintien de l’ordre, et quand il sort, il faut juste que les règles d’emploi restent dans le cadre actuel, il n’y a aucune raison de durcir le maintien de l’ordre, mais à un moment donné, on doit être capable d’élever le niveau de réponse suivant comment les choses se passent, le maintien de l’ordre dur, ce n’est pas neuf, quand j’étais lieutenant, l’escadron qui était devant moi s’est fait tirer dessus sur le Champ de Mars pendant une manif et j’ai été en Nouvelle Calédonie, on se faisait tirer dessus tout le temps, nous étions contents d’avoir les blindés. Cela est arrivé qu’on nous tire dessus, ca arrive, il faut être capable d’y répondre, mais je comprends votre question, il faut qu’il y ait des règles claires qui encadrent cela et il faut qu’on soit dans une logique d’abaissement du niveau de conflit, malheureusement, il y a des black bloc qui ne sont pas là pour manifester, et notre devoir c’est de faire en sorte que les manifestations se passent normalement, le droit de manifester est indiscutable.”

(*) Fabriqués par Soframe

La formation des Gendarmes pour le maintien de l’ordre

Question de Anna Pic (socialistes et apparentés-NUPES, Manche ) : “Nous avons mis en place des équipes qui visent à déconflicter la relation avec les manifestants, on a des formations pour cela”.

La montée en charge de la réserve opérationnelle et ses crédits

Question de Corinne Vignon (Renaissance Haute-Garonne) sur la montée en charge de la réserve dans la perspective des Jeux olympiques de 2024 et la nécessité de sanctuariser les crédits des réserves, ceux-ci étant trop souvent une variable d’ajustement :

Les 50000 réservistes, c’est pour le quinquennat, ce n’est pas pour les JO, avec un budget 2022 qui n’était pas phénoménal mais qui sera meilleur en 2023 car on doit former des réservistes, on y arrivera, je n’ai pas trop d’inquiétudes et accessoirement, le taux moyen d’engagement d’un réserviste est entre 20 et 24 jours par an, et on peut augmenter ce taux moyen, en tout cas, pour les jeux, les réservistes seront importants, ctuellement ce sont 3000 réservistes qui sont engagés tous les jours, c’est une vraie pépite”.

Les Cadets de la Gendarmerie

Question d’Alexandra Martin (LR, Alpes-Maritimes) sur le manque de visibilité auprès des jeunes des Cadets de la Gendarmerie, “un dispositif qui nous semble très important pour susciter l’engagement citoyen des jeunes, pour faire nation, dans un moment où la société en a tant besoin” :

Vous avez raison, il faut que nous communiquions davantage et nous envisageons la création d’une fédération nationale des associations de Cadets”.

Les violences en hausse contre les Gendarmes mis en évidence dans le rapport 2021 de l’IGGN

Question de Stéphanie Galzy (RN Hérault).

Effectivement, c’est un constat objectivé. Moi, je le traduis par, il faut qu’on forme mieux les Gendarmes pour mieux y répondre et faire redescendre les gens en pression, grâce aux négociateurs pour faire baisser la tension, d’ailleurs nous formons les élus. Ça marche plutôt pas mal, nous allons développer ces négociateurs. Ca passe aussi par notre contribution, à l’éducation des jeunes, on l’a évoqué avec les Cadets, il faut qu’on soit près des jeunes, il y a des années on avait du mal à prendre des stagiaires, maintenant, quand on me demande de prendre quelqu’un en stage, je le prends”. C’est un vrai sujet et ça augmentera encore l’année prochaine.”

Le DGE (dispositif de gestion de l’évènement)

Question de Nathalie Serre (LR Rhône) sur les conséquences du DGE au niveau de l’usure kilométrique des véhicules : “Le DGE c’est fait pour avoir moins de patrouilles la nuit, car on en a pas besoin de beaucoup, cela a été souvent mal compris, moi je ne veux pas que les voitures tournent comme des avions, les patrouilles doivent être à l’endroit où il risque de se passer quelque chose, pour éviter de mettre 40 minutes pour intervenir, il y a des endroits où il ne se passe rien la nuit, il faut y aller en plein jour de temps en temps, serrer des mains, prendre éventuellement une déclaration quand il y a un sujet qui embête les gens”. “Tout le monde ne l’a pas compris, à 100000, on ne tient pas 95% du territoire, ce n’est pas possible, il faut qu’on renonce à aller dans certains endroits la nuit parce qu’il s’y passe un truc une fois par an, dans ce cas, on fait à l’ancienne, on réveille des Gendarmes qui sont dans leur lit, on leur dit, vous y allez et vous allez traiter cette affaire là, c’est l’intérêt d’avoir des militaires.”

Les endroits où le DGE marche bien, je vous donne un exemple c’est l’Isère, ils ont été les premiers à commencer, le fait d’avoir juste le nombre suffisant de Gendarmes la nuit, ca permet de dégager 40 emplois plein temps dans les brigades le jour.

L’environnement

Question sur la tracabilité des déchets de Danièle Brulebois (Renaissance Jura) : pour être honnête, je n’y ai pas réfléchi, pour l’instant je suis en train de faire travailler sur la création d’une Gendarmerie verte que je voudrais proposer à Gérald Darmanin, je lui en ai parlé, pour l’instant nous sommes plutôt sur la traçabilité des entreprises, mais il faudra qu’on se pose aussi ces questions là, ca permettra de nous améliorer”.

Les fermetures de brigades

Question d’Hubert Brigand (LR Côte d’Or) au sujet de brigades qui ferment et de lieutenants qui ne veulent pas venir commander des brigades: “Il y a six mois, j’ai dit qu’on arrêtait de fermer des brigades, mais vous savez qu’on a créé les brigades en fonction de ce qu’un cheval pouvait parcourir dans la journée, et on s’est retrouvé avec des brigades distantes de 10 km l’une de l’autre, et dès lors qu’une brigade tombait en ruine, c’était invivable de faire tenir six ou huit gendarmes dedans quand je commandais la Corse, il y avait une brigade à deux Gendarmes, souvent c’était le conjoint d’un Gendarme qui tenait la radio, ce n’est pas un bon mode de fonctionnement, c’est ce qui nous a conduit à créer des communautés de brigades, c’était il y a très longtemps, j’étais capitaine, maintenant effectivement, il faut qu’on remaille”. “Concernant les lieutenants, je voudrais attirer plus d’officiers jeunes et moins d’officiers plus anciens, car il n’y a pas une forte demande du corps social d’aller chercher le grade de lieutenant quand on est sous-officier car on préfère être le premier dans son village plutôt que le deuxième à Rome, ce que je comprends en tant que fils de sous-of, et il ne sort pas assez de lieutenants d’école pour honorer les postes, c’est pour ça qu’on met des adjudants-chefs ou des majors, et nous allons retransformer ces postes, de toute façon entre le major et le lieutenant qui était major avant, ce sont les mêmes, le tout c’est de mettre quelqu’un qui soit compétent, le grade ce n’est pas ce qui est déterminant, on a arrêté de dissoudre, on regarde ça au cas par cas”.

L’immobilier

Sur l’immobilier, mon sujet, c’est le domanial, et l’entretien, nous avons une vieille étude, il faudrait qu’on l’actualise, mais il nous faudrait 300 millions d’euros par an pour entretenir le domanial, on y est pas, après ce sont des affaires de choix. Il y a d’autres solutions aussi, c’est de passer du domanial au locatif, nous n’avons pas de mal à construire, les collectivités elles s’engagent, ça marche plutôt bien, car en 9 ans, globalement on commence à rentrer dans ses frais, une commune ne fait pas fortune en construisant une caserne, mais elle ne perd pas d’argent et elle a des familles en plus, le problème c’est que si on fait du locatif avec du domanial, ca rigidifie le budget, ce que les budgétaires n’aiment pas, ca pose d’autres questions, mais c’est un vrai sujet”.

D.C

Vidéo complète de l’audition du DGGN

Composition de la commission de la Défense et des forces armées