Volonté des Gendarmes mobiles d’avoir une tenue différente des policiers : un syndicat de police s’agace, le général Cavallier commente

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Le projet de nouvelle tenue des Gendarmes mobiles, diffusé sur les réseaux sociaux, a généré de nombreux commentaires de Gendarmes. Mais il aussi fait réagir un syndicat de police, le syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI ex-syndicat national des officiers de police SNOP). Cette organisation a publié un tweet repéré par Europe 1 qui écrit que “le projet crée des remous du côté des policiers”. C’est surtout un objectif visé par ce projet conduit par un prestataire qui a agacé le syndicat de police. Cet objectif, placé en premier, est de “se différencier des Forces de Sécurité Intérieure pour éviter la confusion, l’amalgame” .“Pourquoi mentionner que l’objectif de cette nouvelle tenue est de “se différencier des forces de sécurité intérieure pour éviter la confusion, l’amalgame”? La GM ne fait-elle pas partie des FSI? écrit le SCSI dans son Tweet.

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Le général (2s) Bertrand Cavallier avec les gendarmes du groupement II/1 de Maisons-Alfort devant l’arc de Triomphe pendant la crise des Gilets Jaunes (Photo Lt-col Christian Gojard)

Le général de division (2s) Bertrand Cavallier, spécialiste du maintien de l’ordre, figure des “moblos”, conseiller de La Voix du Gendarme, consultant de CNEWS, commente cette réaction du syndicat

Commentaire du général (2s) Bertrand Cavallier

Mon propos ne portera pas sur la qualité des propositions de tenues exposées dans ce document dont je salue toutefois l’esprit d’innovation, mais sur la réaction de ce syndicat policier qui offre une opportunité pour reposer le cadre. Tout d’abord, on ne peut qu’être sensible à l’intérêt porté par cette organisation à la Gendarmerie et à la promptitude de la réaction.

J’encourage toutefois ces représentants syndicaux à davantage concentrer leur attention sur les défis auxquels doit faire face leur maison au moment où de profondes réformes sont discutées lors du Beauvau de la sécurité convoqué par le président de la République.

L’évolution de la tenue de la gendarmerie mobile est une demande forte de la part des militaires eux-mêmes.

La différenciation souhaitée participe de leur fort attachement à leur institution et de la fierté qu’ils éprouvent à lui appartenir. Cette volonté est également venue des militaires de la Gendarmerie mobile, via notamment leurs instances de concertation où siègent leurs représentants, suite à la crise des gilets jaunes qui les a profondément marqués.

Nul n’ignore en effet que durant les opérations de maintien de l’ordre qui ont émaillé la gestion de cette crise, des différences notoires ont pu être constatées dans la maîtrise de l’emploi de la force, et notamment de l’usage du Lanceur de balle de défense (LBD) entre les différents types d’unités engagées.

D’où cette attente des militaires de la gendarmerie mobile, qui notamment dans la capitale constituaient plus de la moitié des forces mobiles engagées, d’aspirer de façon légitime à une meilleure différenciation, ceci d’autant plus que la majorité des journalistes sauf à être éclairés en direct sur les plateaux de télévision, en restait à une confusion sous le vocable police. Confusion qui a pu également désappointer les CRS, autre composante professionnelle de maintien de l’ordre du ministère de l’Intérieur qui souhaite aussi être mieux différenciée.

Rester une force armée qui apporte ses atouts spécifiques

Enfin, le sujet de la tenue renvoie à un défi majeur qu’entend relever la Gendarmerie, celui de rester une force armée qui apporte ses atouts spécifiques, ses compétences, selon une logique de complémentarité avec les autres composantes du ministère de l’intérieur mais qui doit également être entendue avec les autres forces armées, dont notamment l’armée de terre. Or, on ne peut que constater combien ont été grands les risques d’une fongibilité de la Gendarmerie au sein de son nouveau ministère d’appartenance dont certaines composantes ont d’ailleurs – on revient à la question de la tenue – allègrement emprunté au patrimoine uniformologique et rituel de la Gendarmerie (pensons notamment à l’aiguillette, héritage de l’ancien régime réservé aux cavaliers de la maréchaussée, légalement étendue à toute la Gendarmerie le 28 germinal an six) et des armées, sans évoquer le syndrome de confusion doublé de celui  “d’armée mexicaine” consécutif à l’exportation des grades et appellations militaires. Tout ce qui peut donc conforter, valoriser l’identité propre de la Gendarmerie, porteuse notamment d’une approche singulière de la conception et de l’exécution de sa mission de sécurité et de défense, d’une relation particulière avec la population – enjeu central – constitue un impératif.

Revalorisons le beau grade de major

Les tenues doivent donc être adaptées dans ce sens, sans toutefois rompre avec les héritages multi-séculaires qui les ont façonnées. Les militaires de la Gendarmerie doivent être mieux différenciés pour être mieux reconnus, valorisés. Je pense entre autres à ces majors commandants de brigade territoriale, en charge de l’exécution des missions de sécurité sur des territoires souvent vastes et complexes.

Revalorisons et soulignons le beau grade de major en agrémentant la tenue de ceux qui le portent d’un détail spécifique, comme un liséré, afin d’indiquer leur appartenance à la Gendarmerie et aux forces armées, et ainsi les différencier des fonctionnaires civils arborant ce galon.