Le dernier hommage au général d’armée Marie-Jean Rivière, ancien major général et inspecteur général

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Le général Rivière lors d'une remise de médailles à Orthez (Photo Jean Sarsia)

Le général d’armée Marie-Jean Rivière, ancien major général de la Gendarmerie (2000-2002) et numéro un de la hiérarchie militaire de l’Arme lorsque le directeur était un préfet, et ancien inspecteur général des armées Gendarmerie (IGAG), est décédé le 6 juin à 81 ans. Celui était à la tête de l’Arme à l’époque du “malaise de 2001” a succombé à une longue maladie chez l’une de ses filles, à Marseille, où il était soigné depuis plusieurs mois. Ses obsèques ont été célébrées le samedi 10 juin en l’église Saint-Vincent, à Salies-de-Béarn en présence du major général, le général de corps d’armée André Petillot qui a prononcé l’éloge funèbre et du général de division Vincent Barbey, commandant en second de la région Aquitaine et de la zone de sécurité sud-ouest. Plusieurs généraux en deuxième section dont le général d’armée Guy Parayre, ancien directeur général ont assisté à la cérémonie religieuse. Le préfet honoraire Bernard Prévost, ancien Directeur général de 1995 à 2000 était également présent. L’homélie a été prononcée par le père Jean Casanave, ami d’enfance de Marie-Jean Rivière et élève du prytanée militaire de la Flèche à l’époque où le père du défunt, militaire de carrière, y commandait une compagnie.

Originaire d’Albi où il était né en 1942, le général Rivière s’était retiré à Sauveterre-de-Béarn, dans le Béarn des Gaves peut-on lire sur le site Paysdesgaves.com qui a rendu compte des obsèques. Il avait eu la douleur de perdre son épouse, Anne, en décembre 2019.

Officier de réserve dans l’arme du Train

Le général Rivière était l’un des rares généraux d’armée est majors généraux à ne pas être issu de Saint-Cyr. Il avait intégré l’école des officiers de la Gendarmerie pendant les évènements de mai 1968 après son service national comme officier de réserve dans l’arme du Train, et avait commencé dans la mobile à Toulouse à l’escadron 2/24. Instructeur de la compagnie d’élèves-Gendarmes motocyclistes de Fontainebleau, il a commandé l’escadron de gendarmerie mobile 5/11 de Bordeaux-Bouillac, la compagnie d’Orthez, le groupement de la Somme, la région de Gendarmerie Atlantique et la circonscription de Bordeaux. 

À la Direction générale, il a servi au bureau circulation routière, a été chef des bureaux emploi et police judiciaire, sous-directeur de l’organisation et de l’emploi, et chef du service des opérations et de l’emploi. Entre-temps, il a été adjoint au chef du cabinet militaire des ministres de la Défense Pierre Joxe puis François Léotard. 

Un Gendarme droit, un officier humain et un chef exemplaire”

Le général Rivière a été au sommet de la hiérarchie militaire de la Gendarmerie – le directeur étant un préfet- dans une époque compliquée juste après l’affaire des Paillotes en Corse et pendant le malaise de 2001 ayant vu pour la première fois des Gendarmes manifester en uniforme. “Aux côtés des deux directeurs généraux, le général rivière permet à la Gendarmerie de traverser cette tempête en posant les bases d’une évolution qui préserve les fondamentaux de son statut militaire » a déclaré le général de corps d’armée André Petillot, major général, lors de l’hommage funèbre en évoquant « un grand chef et l’homme des circonstances. »

Le 1er février 2002, le général d’armée Rivière a rejoint le collège des inspecteurs généraux et achevé son parcours Le 1er octobre 2003 avec un adieu aux armes au château de Vincennes “au terme d’une carrière faite tout entière de service, de valeurs, d’humanité et d’exemplarité” a résumé le général Petillot parlant “d’un Gendarme droit, d’un officier humain et d’un chef exemplaire”.

La Voix du Gendarme adresse ses condoléances attristées à Sabine, Vincent et Odile, les filles et fils du général Rivière, à ses huit petits-enfants et à toute sa famille.

Eloge funèbre prononcé par le général de corps d’armée André Petillot, major général de la Gendarmerie

Né le 7 octobre 1942, à Albi, fils de militaire, sans nul doute marqué par l’exemple d’un père qui commanda notamment une compagnie au Prytanée militaire de la Flèche, Marie-Jean Rivière est appelé à l’activité en qualité d’officier de réserve dans l’arme du Train en septembre 1965. Dans la continuité et la cohérence de ses études de droit, il fait le choix de rejoindre la Gendarmerie, le 2 septembre 1967. Officier-élève à l’École des officiers de la Gendarmerie nationale, il vit à Melun les troubles de l’année 1968, avant d’intégrer l’escadron 2/24 de gendarmerie mobile à Toulouse, le 01 octobre 1968. Il le fait à un moment décisif pour cette subdivision d’arme, laquelle – au sortir de trois guerres successives [2ème Guerre mondiale, Indochine et Algérie], puis des mouvements contestataires d’une ampleur inédite – accomplit alors son virage majeur vers la modernité. Marie-Jean Rivière fait partie de cette aventure et de cette nouvelle ère de la mobile. Cette expérience le marquera durablement.

Le général Petillot a lu l’éloge funèbre (Photo Jean Sarsiat)

Remarqué pour ses qualités humaines, pour son aptitude opérationnelle, le lieutenant Rivière est désigné, en juillet 1972, comme officier instructeur de la compagnie d’élèves-gendarmes motocyclistes de Fontainebleau. Puis, il prend le commandement de l’escadron de gendarmerie mobile 5/11 de Bordeaux-Bouillac, le 1er septembre 1975, où il est nommé capitaine dès l’année suivante. Alors que l’escadron vient de vivre un déménagement depuis Bergerac, il parvient à conserver  la cohésion de ses personnels grâce à la grande humanité qui le caractérise, grâce à sa constante volonté d’expliquer et, par là même, de faire adhérer les personnels aux décisions prises. Il en conservera des liens forts avec plusieurs militaires alors sous ses ordres. Cette humanité, ce sens de la pédagogie, c’est là un fil directeur de toute sa carrière, la marque d’un chef, ce pour quoi il sera aimé et respecté de ses hommes.

Le 1er septembre 1978, il prend le commandement de la compagnie de gendarmerie départementale d’Orthez.

Parce qu’il est fils du territoire, le gendarme est toujours l’homme d’un terroir”.

Même si ses responsabilités le conduiront à avoir la France pour territoire, c’est ce Béarn où nous sommes rassemblés aujourd’hui qui demeurera son terroir. Il s’y ressourcera et s’y retirera. Cet attachement s’est forgé, sans doute, dans le service de ce “morceau de France” qu’il accomplira avec une intensité particulière. 

Après une première partie de carrière tournée vers l’opérationnel et la préparation de ceux qui y servent, le capitaine Rivière est appelé, en 1980, à la Direction générale au Bureau circulation routière. Sa très grande disponibilité, sa rigueur et le soutien permanent de ses rédacteurs y marqueront les cœurs et les esprits. 

Admis au Centre d’enseignement militaire supérieur à l’École Militaire en 1984, il fait partie de la deuxième promotion d’officiers de Gendarmerie de ce qui deviendra le CID, avant de reprendre l’appellation d’École de Guerre. Cursus désormais classique des chefs aujourd’hui, c’était alors une voie singulière. Elle est la démonstration de la volonté du chef d’escadron Rivière de s’engager dans l’exigence d’un chemin qui n’est pas tracé, mais qu’il se construit lui-même !

Promu lieutenant-colonel au cours de sa scolarité, il prend le commandement du groupement de gendarmerie départementale de la Somme en septembre 1986. Deux ans plus tard, le lieutenant-colonel Rivière rejoint de nouveau à la Direction générale où il occupera successivement les emplois de chef du bureau emploi, puis de celui de la police judiciaire. Il laisse le souvenir d’une grande rigueur professionnelle et morale, s’imposant comme garant de l’application des textes et du service de l’Arme. À la manière qui était la sienne, et qui lui a valu tant de respect : par l’exemple, tout simplement. “Parce qu’il est le fils de la loi, le gendarme en est le gardien intraitable” . 

Rue Saint Didier, il impressionne aussi par une grande puissance de travail qu’il veille à ne jamais faire peser sur son équipe. Plus que cela, il fédère et il entraîne tous ceux qui l’entourent. 

Ayant exercé des responsabilités dans l’ensemble des activités de l’institution et disposant d’une connaissance parfaite des missions de la gendarmerie, il connaîtra désormais une accélération rapide de sa carrière. Mais ceux qui l’ont côtoyé le savent. Cette accélération, il la doit avant tout à ses immenses qualités professionnelles et personnelles. Il la doit à ce qu’il est profondément. Il la doit à son mérite propre.

Chef du Service des opérations et de l’emploi

Le 1er août 1991, il est nommé adjoint au chef du cabinet militaire du ministre de la Défense. Il y servira sous l’autorité successive de Messieurs Pierre Joxe et François Léotard. Le 16 mai 1994, il est nommé sous-directeur de l’organisation et de l’emploi, avant d’exercer comme chef du Service des opérations et de l’emploi.

le général de brigade Rivière prend le commandement de la région de gendarmerie Atlantique et la circonscription de gendarmerie de Bordeaux, en septembre 1996. Il accède au grade de général de division en 1998. Son commandement s’achève avec la tempête Martin qui dévaste la France à la fin du mois de décembre 1999. 

Cependant, c’est une autre tempête, tout aussi inattendue, tout aussi traumatisante, venue de Corse cette fois, qu’il doit affronter en prenant des responsabilités supérieures.

Cette tempête bousculera profondément la Gendarmerie. Elle sera l’occasion d’évolutions majeures, conduites par le général de corps d’armée Rivière et qui structurent aujourd’hui encore la Maison, dans la diversité de son recrutement officier comme dans son organisation. 

Au tournant du siècle, nommé major général de la Gendarmerie nationale, il occupe le plus haut poste militaire au sein de notre institution sous l’autorité des préfets Prévost, puis Steinmetz. Cette responsabilité éminente, il la prend donc dans un moment d’épreuves pour la Gendarmerie, après une décennie compliquée. Il y fallait un grand chef. Il va alors confirmer qu’il en est un, qu’il est l’homme des circonstances.

Les effectifs, la délinquance, les missions données constituaient autant de tensions qui déchiraient le climat interne et fragilisaient notre identité. Ce sont alors les fondements de notre institution qui semblent vaciller. “Parce qu’il est le fils des armées, le gendarme est un militaire”. Aux côtés des deux directeurs généraux, le général rivière permet à la Gendarmerie de traverser cette tempête en posant les bases d’une évolution qui préserve les fondamentaux de son statut militaire.

La qualité de son action et l’étendu de ses mérites seront particulièrement appréciés. Le 1er février 2002, le général d’armée Rivière rejoint le collège des inspecteurs généraux. Clôturant sa carrière en tous points remarquables, cette nomination prestigieuse en consacre l’éclat et les valeurs. Le 1er octobre 2003, le général d’armée Rivière achève par un adieu aux Armes, dans la cour du château de Vincennes, une carrière faite tout entière de service, de valeurs, d’humanité et d’exemplarité. 

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