La mort de Jean-Noël Mermet, “un héros oublié” de la prise d’otages de Loyada

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Jean-Noël Mermet (Photo DR)

Jean-Noël Mermet, un Gendarme ayant participé à la tragique prise d’otages de Loyada (Djibouti), médaillé de la Gendarmerie et inscrit au Livre d’or de l’Arme, est décédé dans un quasi anonymat le 28 janvier à 76 ans. Ses obsèques ont été célébrées le 2 février à Lavans-les-Saint-Claude dans le Jura. L’un de ses amis jurassiens, Christian Waille, président de l’UNPRG du Rhône, était présent et nous raconte l’incroyable parcours de ce “héros oublié de Loyada”, en se faisant le porte-parole de la famille, dont son frère, ancien Gendarme, pour regretter “l’absence d’uniformes” lors des obsèques.

Né en 1944 à Saint-Lupicin, 3ème d’une fratrie de 7 enfants, titulaire d’un CAP de menuisier, Jean-Noël Mermet envisage d’abord de partir chez les pères Blancs en Afrique, mais sa vocation n’est pas assez forte. En 1967, Il effectue son service militaire en Guyane. Dans le village de Grand-Santi, situé à la frontière du Surinam, il met son talent de menuisier au service des sœurs missionnaires en construisant une petite chapelle.

A l’issue de son service, il rentre en Gendarmerie. D’abord à Vélizy-Villacoublay puis à Versailles ou il s’occupe particulièrement des jeunes au sein d’une brigade spécialisée. Puis Il rejoint la Gendarmerie des transports aériens (GTA) à Bron (69).

Il rejoint le Vietnam

En 1975, répondant à un appel à volontaire, il rejoint le Vietnam, en pleine débâcle suite au départ des Américains. À l’ambassade de France, il aide au rapatriement des Français et à Saïgon, il n’hésite pas à s’interposer devant un char Viet qui veut rentrer dans la cour de  l’hôpital!

Jean-Noël Mermet décoré de la médaille de la Gendarmerie

Evacué, il est alors affecté à Djibouti comme commandant de la brigade de Loyada à la frontière somalienne. Il y participe activement aux négociations avec des terroristes somaliens ayant pris en otage un car transportant une trentaine d’enfants de militaires français. Pendant 2 jours dans une chaleur étouffante et en compagnie d’une assistante sociale, il s’occupe sous la menace des armes des terroristes qui tirent à ses pieds, de nourrir et calmer les enfants. Il renseigne les autorités françaises qui avaient envoyé le GIGN commandé par Christian Prouteau. L’assaut est donné le 4 février 1976 par le GIGN, le 2ème REP et l’EGM de Bayonne. Les enfants sont tous couchés dans le car. Le GIGN,  utilisant à cette occasion pour la première fois le “tir simultané” abat cinq preneurs d’otage puis d’autres dans les minutes qui suivent. Hélas, deux enfants sont tués par un terroriste et le chauffeur du bus Jean Michel Dupont, appelé du contingent est gravement blessé. Jean-Noël Mermet est alors décoré de la médaille de la Gendarmerie et inscrit sur le Livre d’or de l’arme.

Jean-Noël Mermet

Il adopte le jeune Omar qui vivait dans un bidonville près de la brigade et prolonge son séjour de 19 mois supplémentaires en devenant garde du corps du haut-commissaire. Il est réaffecté, à sa demande, en Guyane à Cacao, au cœur de la forêt vierge pour encadrer, dans un nouveau village, des Vietnamiens fuyant le régime communiste. Il met à profit ses talents de menuisier pour construire la nouvelle brigade. Il revient ensuite en métropole et est affecté à Melun et quitte la Gendarmerie en 1980 pour rejoindre son frère qui vient d’ouvrir un restaurant dans le village de son Jura natal. Il y retrouve son chien “Lamy”, berger allemand qui avait été surnommé le “Lion du désert” par les habitants de Loyada.

Il témoigne dans le livre de Jean-Luc Riva

Quelques années plus tard il revient en Guyane afin de retrouver son fils marié et père de trois enfants et y ouvre un bar, connu et fréquenté par de nombreux Gendarmes mobiles en déplacement.

De retour dans le Jura, il s’installe définitivement à Saint-Claude.

Dans un livre écrit par Jean Luc Riva, “Les enfants de Loyada” qui résume bien le contexte géopolitique de l’époque ayant abouti à l’indépendante de Djibouti, Jean-Noël Mermet témoigne de son rôle dans cette affaire dans laquelle il ne s’est jamais mis en avant, se contentant de dire sa vérité. Sur la page Facebook du livre qui annonce son décès, un juste hommage lui est rendu en expliquant que son action avait permis que le car soit retenu un moment avant la frontière.

La Voix du Jura a consacré un article sur son action à Loyada en janvier 2016 sous le titre “Jean-Noël Mermet, héros jurassien face au terrorisme ».

Christian Waille lui rend hommage ainsi : “Jean-Noël était un garçon droit, plein de sagesse, soucieux du bien-être des autres, plein de ressources et d’une gentillesse sans égale. Je le rencontrais souvent et il me racontait toute sa riche carrière en Gendarmerie, mais toujours avec un regret d’avoir vu deux enfants mourir à Loyada”.

même un Héros de la Gendarmerie, comme Jean-Noël est parti sans aucun uniforme accompagnant son cercueil et ce manque de reconnaissance est bien triste pour notre Gendarmerie”.

Pour Christian Waille, on peut dire de l’évènement de Loyada, qu’il y a eu des héros : le GIGN, la Légion, les intervenants mais aussi des oubliés. Les enfants devenus adultes et leurs familles se battent toujours pour être reconnus victimes du terrorisme. (*) Le frère de Jean Noël, retraité lui aussi de la Gendarmerie et toute sa famille se disent aussi qu’ils sont “les oubliés de Loyada” écrit Christian Waille qui déplore que “même un Héros de la Gendarmerie, comme Jean-Noël est parti sans aucun uniforme accompagnant son cercueil, ce manque de reconnaissance est bien triste pour notre Gendarmerie”.

(*) 22 victimes de la prise d’otages de Loyada ont reçu la Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme lors de la promotion de février 2020 dont le chauffeur de bus et les deux enfants décédés  Nadine Durand et Valérie Geissbuhler.