Dans cette tribune libre, Daniel Gonfroy, président national de l’Union Nationale des Personnels et Retraités de la Gendarmerie (UNPRG), livre une réflexion sur la singularité française : un pays souvent jugé « ingérable », mais profondément vivant, créatif et attaché à ses idéaux. À travers cette analyse lucide et bienveillante, il rappelle que l’effervescence, les débats et les contradictions qui animent notre société ne sont pas des faiblesses, mais les signes d’une démocratie exigeante et d’une nation qui, malgré ses tensions, demeure irremplaçable.
Du même auteur : L’Art de Gouverner, entre : l’Intérêt Collectif, l’Esprit Partisan – L’Intelligence et le Savoir
Au vu de l’actualité, on s’aperçoit que dans notre pays, les gouvernements sont de plus en plus éphémères. On serait donc en droit de penser que la France est devenue ingérable.
Oui ; peut-être ! Mais quand on y regarde de plus près, la France c’est beaucoup plus que cela.
La France, pays ingérable… et pourtant irremplaçable
C’est une formule qui claque, provocante, presque désabusée. Mais elle mérite qu’on s’y arrête. Dire que la France est « ingérable », c’est pointer du doigt une complexité bien réelle : celle d’un pays pétri d’histoire, de passions, de contradictions, et d’un attachement viscéral au débat, à la contestation, à l’idéal.
Un pays de débats et de désaccords
La France aime discuter, contester, revendiquer. C’est dans son ADN républicain. Les réformes y sont souvent lentes, car chaque changement suscite une levée de boucliers, parfois avant même d’être compris. Le pluralisme syndical, les contre-pouvoirs, les traditions de grève et de manifestation rendent la gouvernance plus complexe… mais aussi plus vivante.
Un héritage lourd à porter
L’État centralisé, hérité de Colbert et de Napoléon, cohabite avec une société civile exigeante et méfiante. Les institutions sont solides, mais parfois rigides, peu adaptées à la souplesse que demande le monde contemporain. Depuis Colbert jusqu’à nos jours, l’État français s’est voulu stratège, garant de l’intérêt général. Mais il se heurte à une société foisonnante, frondeuse, inventive.
Associations, syndicats, intellectuels, citoyens engagés : tous veulent peser, influer, contester. Ce n’est pas l’anarchie, c’est la vitalité.
La France est ingérable parce qu’elle est vivante. Parce qu’elle refuse la résignation. Parce qu’elle croit encore aux idées, aux idéaux, aux utopies. Elle est ingérable comme peut l’être une œuvre d’art : impossible à enfermer dans des cases, toujours en mouvement, toujours en quête.
Ingérable, donc vivante
Depuis les cahiers de doléances de 1789 jusqu’aux cortèges contemporains, le peuple français n’a jamais cessé de débattre. Tocqueville le notait déjà : « Ce qui distingue les Français, c’est leur goût pour les idées générales et leur passion pour l’égalité. » Cette passion, parfois excessive, rend la gouvernance complexe, mais elle est aussi le moteur de notre démocratie.
Raymond Aron, lucide observateur de notre vie politique, écrivait : « La France est un pays où les gouvernements sont faibles et l’État est fort. » Cette formule résume bien le paradoxe : une administration puissante, mais une légitimité politique sans cesse remise en question.
Une ingérabilité créative
Ce désordre apparent est aussi source d’innovation. Dans les arts, la pensée, la diplomatie, la France continue de rayonner. Elle est ingérable comme peut l’être une œuvre d’art : indomptable, brillante, profondément humaine.
C’est peut-être ce que voulait dire Georges Clemenceau lorsqu’il affirmait : « La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires, il y pousse des impôts. » Derrière l’ironie, une vérité : notre pays est complexe, parfois absurde, mais toujours inspirant.
La France, bien plus qu’un pays ingérable
Oui, peut-être. Peut-être que la France est ingérable. Peut-être que ses gouvernements vacillent, que ses réformes s’enlisent, que ses passions débordent. Mais quand on y regarde de plus près, la France, c’est beaucoup plus que cela.
C’est une nation qui débat parce qu’elle pense, qui résiste parce qu’elle espère, qui conteste parce qu’elle croit encore à la force des idées. Ce tumulte n’est pas un défaut : c’est une richesse. Une vitalité. Une fidélité à ce que nous sommes indisciplinés, certes, mais profondément attachés à la liberté, à l’égalité, à la fraternité.
Dans ce texte, j’ai voulu explorer cette complexité, non pour la déplorer, mais pour la célébrer. Car si la France est parfois ingérable, elle est surtout irremplaçable.
Et si c’était sa force ?
Dans un monde qui tend vers la standardisation, la France cultive l’exception. Elle est parfois fatigante, souvent imprévisible, mais toujours inspirante. Elle ne se laisse pas gouverner facilement, mais elle mérite qu’on l’aime profondément.
Daniel Gonfroy

