Nous publions le texte intégral du discours prononcé à Ambert ce lundi 28 décembre par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin lors de l’hommage de la Nation aux trois Gendarmes tués la semaine dernière à Saint-Just (Puy-de-Dôme).
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L’année 2020 s’achève dans la peine et le chagrin jusqu’au bout et nous aura meurtris. Après le major Mélanie Lemée, après ces Gendarmes, policiers, militaires, chère Florence, sapeurs-pompiers morts pour le pays, la Gendarmerie nationale vient à nouveau de perdre trois des siens, trois des nôtres dans des circonstances particulièrement dramatiques. Aujourd’hui ici à Ambert comment Saint-Just, comme dans tout le Puy-de-Dôme, comme dans tout le pays, l’émotion est immense. Elle l’est dans la Gendarmerie nationale, au sein du ministère de l’Intérieur, elle l’est dans la communauté militaire, Madame la ministre des Armées mais elle l’est aussi bien au-delà car cette tragédie touche toute la Nation et c’est bien la Nation qui, aujourd’hui, pleure la perte de ses trois fils.
Trois Gendarmes tombés en mission, animés par le service de la France, trois vies sacrifiées pour en sauver une autre et malgré notre peine, il faut le dire, il n’y a pas plus noble sacrifice que celui-là. Le lieutenant Cyrille Morel, l’adjudant Rémi Dupuis et le tout jeune brigadier Arno Marvel sont allés au bout de l’engagement.
Ils ont tout donné jusqu’à leur vie pour accomplir leur mission parce qu’ils étaient des Gendarmes, parce que c’était leur vocation, parce qu’ils étaient intimement convaincus du sens de leur devoir. C’est cela, Mesdames, Messieurs, être Gendarme. Répondre présent à l’appel de nos concitoyens d’où qu’ils viennent et où qu’ils soient quand ils se trouvent dans la détresse, dans le péril.
S’exposer soi-même pour le bien de tous parce que si les Gendarmes ne le font pas, qui le fera à leur place ? Quand on est Gendarme, il n’y a pas d’intervention banale. Chaque appel peut réserver son lot d’incertitudes. Toute intervention, même la plus anodine en apparence, est susceptible de basculer dans le drame d’autant plus quand les tensions et les violences se multiplient notre société, ciblant tout particulièrement les forces de l’ordre. Gendarmes, vous ne savez de quoi la journée sera faite ni quelle situation vous allez rencontrer lorsque la radio ou le téléphone sonne et vous appelle. C’est à la fois le risque et la noblesse de votre mission, celle qui s’attache à des héros du quotidien, celle d’une mission de sécurité dans les villages du Puy-de-Dôme comme ailleurs en France. Trop souvent, les forces de l’ordre sont critiquées. On rejette sur eux la violence contenue dans une société en proie aux doutes et à l’angoisse mais tous ici savent que l’immense majorité des Français soutiennent, encouragent, aiment leurs actions parce que nos gendarmes, comme on dit ici à Ambert, nos policiers, nos militaires, nos pompiers sont les filles et les fils du peuple, fidèles aux soldats de l’An 2 qui protègent et interviennent pour sauver l’enfant, protéger la femme et secourir l’accidenté parce que vous êtes des héros du quotidien qui paient de leur sang leur action, 30 blessés par jour parmi les forces de l’ordre. Le port de l’uniforme de la République et la vocation qui va avec, c’est cheviller au corps le serment que vous avez fait à la France parce que chaque matin, en partant au travail, les Gendarmes ne savent pas s’ils vont retrouver leurs familles, leurs enfants, leurs amis en croisant la folie malfaisante lors d’une intervention alors qu’ils étaient là pour apaiser les maux et pour porter secours à ceux qui appellent à l’aide.
Respecter les forces de l’ordre, les protéger, les défendre n’est pas une option. Non, militaire, GFendarme, policier, pompier n’est pas un métier comme les autres. C’est le plus beau d’entre tous, celui qui engage chaque coin de rue, de boulevard de village le sacrifice de sa vie. Avec madame la ministre des Armées, nous souhaitions être ici à Ambert pour le redire et vous remercier.
Première ligne et dernier recours, vos trois camarades l’étaient comme ils l’ont été tout au long de leur carrière jusqu’à leur dernier souffle.
Première ligne et dernier recours sans relâche ni répit comme une promesse faite aux Français, comme un pacte que chaque Gendarme, chaque force de l’ordre, signe avec lui-même.
Première ligne et dernier recours
Première ligne et dernier recours, c’est le sens même de leur intervention ce soir-là du 22 décembre afin de porter secours dans le village de Saint-Just à une femme menacée par son conjoint violent. Ce soir-là, en effet, alors que nos concitoyens se préparaient à fêter Noël, vos trois camarades partaient en intervention avec les autres militaires de la compagnie d’Ambert. Une femme craignait pour sa vie. Fuyant le danger, elle était parvenue à se réfugier sur le toit de sa maison. L’agresseur lourdement armé, dangereux, déterminé à nuire. La situation était difficile. Alertés, les premiers gendarmes de la brigade d’Ambert se rendent sur place. Même si l’intervention fait malheureusement partie des 300 interventions pour violences conjugales que réalisent chaque jour les Gendarmes de la Gendarmerie nationale, ils savaient que la scène sur lesquels ils allaient était périlleuse. C’est la raison pour laquelle très rapidement d’autres militaires du PSIG d’Ambert, de Thiers et de Clermont-Ferrand, de la brigade territoriale de Saint-Anthème ainsi qu’un négociateur spécialisé les rejoignaient sur les lieux pour leur prêter main-forte. Chacun est à sa place ; chacun est dans son rôle. Tous sont des Gendarmes chevronnés qui connaissent leur travail. Ils sont prudents, attentifs, conscients de l’urgence et en même temps des risques dans la maîtrise et de sang-froid propres à leur statut militaire. Un périmètre de sécurité est ainsi mis en place. Le collectif est solide, le dispositif tactique adapté à la complexité de la situation. Malheureusement, le criminel est en proie à la folie meurtrière. Dans cette nuit noire, équipé comme un tueur professionnel, il a l’avantage du terrain et celui de la surprise. Il met d’abord le feu à la maison dans le but de tuer sa compagne avant de tenter de prendre la fuite et c’est au cours de ce périple meurtrier qu’il déclenche un déluge de feu sur les gendarmes, lesquels ripostent. Le brigadier Mavel est grièvement touché ainsi que l’adjudant-chef Bertrand Boyon à ses côtés, blessé puis après avoir été empêché dans sa fuite, le criminel tire à nouveau quelques instants plus tard cette fois sur le lieutenant Morel et sur l’adjudant Dupuis. Pris sous le feu du forcené, ils s’écroulent à leur tour.
Le lieutenant Morel, l’adjudant Dupuis et le brigadier Mavel ont donné leur vie dans cette intervention mais ils ne l’ont pas fait en vain car avec tous les gendarmes déployés sur le terrain, ils ont réussi leur mission, ils ont sauvé la vie de cette femme. La maison était en train de brûler. Le toit était sur le point de s’effondrer et si la victime est aujourd’hui saine et sauve, c’est grâce à eux, tout simplement, grâce à ces trois hommes, grâce à tous leurs camarades engagés cette nuit-là qui ont fait ce qu’il fallait dans des conditions que l’on a peine à imaginer et que l’enquête en cours viendra, bien sûr, préciser.
Cyrille Morel, Rémi Dupuis et Arno Mavel sont morts en accomplissant leurs devoirs. Ils sont tombés comme ils ont vécu en gendarmes soldats de la République, fidèles à leur serment de protéger les Français en toutes circonstances, fidèles à l’engagement de leur vie.
Le lieutenant Cyrille Morel : un chef remarquable
Le lieutenant Cyrille Morel exerçait en gendarmerie départementale depuis sa sortie de l’école de sous-officiers il y a 20 ans, d’abord dans le département de l’Aude au sein de la brigade de Tuchan, puis dans le département du Puy-de-Dôme au sein des brigades de Saint-Amant-Tallende et de Combronde, il avait gravi les grades de sous-officier jusqu’à celui d’adjudant-chef. Impliqué dans tous les domaines, il s’était forgé au cours des années une forte expérience en unité départementale. Ce bon vivant au cœur solide, homme d’action véritable meneur d’hommes, sportif passionné de sports extrêmes et de rugby, avait le goût du dépassement. Il était aussi exigeant envers lui-même qu’envers les autres, toujours pour rendre le meilleur service à la population. Et c’est dans cet esprit qu’il avait décidé de devenir officier en 2017. Commandant la communauté de brigade d’Ambert pendant deux ans, il avait été promu commandant en second de la Gendarmerie départementale en juillet 2019, il était un chef remarquable, passionné par son métier de gendarme, impliqué dans la vie locale , connu et apprécié de tous, des élus, des citoyens, il avait le sens du service public et l’engagement chevillé au corps. Jusqu’à cette nuit tragique du 22 décembre, il mena toujours ses hommes avec courage et responsabilité. À l’évidence, c’était sa vocation.
A vous, Séverine, son épouse aimée, à vous deux, Morgan et Maxence, ses enfants, à vous ses parents, ses frères, je veux dire, au nom du gouvernement, que Cyrille était un grand monsieur, un grand chef, un grand serviteur des Français. Et vous pouvez être très fiers de lui comme l’est toute la Gendarmerie nationale.
L’adjudant Dupuis, un élément excellent, performant, robuste.
L’adjudant Rémi Dupuis avait rejoint la Gendarmerie il y a 13 ans. Gendarme mobile au sein de l’escadron de gendarmerie mobile de Saint- Amand-Montrond pendant quatre ans, il y avait développé un sens tactique et des connaissances techniques qu’il savait mettre à profit dans ses différentes missions. Déplacé en Outre-mer, en Polynésie et en Guyane, il avait été marqué, enrichi par ses séjours. Ses solides compétences lui permettaient de dominer l’ensemble des situations auxquelles il a eu à faire face. Désireux de servir au sein de la gendarmerie départementale, il avait décidé de passer et réussi le concours d’officier de police judiciaire avant d’intégrer le groupement de gendarmerie départementale du Puy-de-Dôme en exerçant aux brigades d’Issoire, puis d’Ambert. Sportif accompli, passionné de montagne, il avait adopté cette belle région d’Auvergne. Obtenant le certificat élémentaire montagne et intégré au groupe montagne de Gendarmerie,
il était un élément excellent, performant, robuste. Ses chefs le décrivent comme polyvalent, fin connaisseur du métier de brigadier, altruiste et bon camarade. Il aimait tout particulièrement le travail d’équipe et partageait volontiers son expérience aux jeunes Gendarmes de son unité.
Pour Rémi aussi, la famille comptait. Il parlait tout le temps de vous, chère Eugénie et de vos enfants, Rose, née d’une première union et le petit Lucas, fruit de votre amour. Je veux vous dire, à vous ses parents et à vous son frère, combien ces valeurs familiales ont compté dans la construction d’homme et de Gendarme qu’il était. Nous sommes désormais à vos côtés dans cette épreuve. La Gendarmerie nationale est fière de son engagement et de son honneur à servir.
Arno Mavel avait un avenir prometteur au sein de la Gendarmerie
Le brigadier Arno Mavel, affecté au PSIG d’Ambert, avait intégré la Gendarmerie en avril 2018 à l’âge de 19 ans. En qualité de Gendarme adjoint volontaire, comme ses deux aînés, il avait fait très jeune le choix de servir son pays. En dépit de son âge, Arno était déjà très mature, convaincu de son sens de l’engagement, il agissait en vrai professionnel. Ses chefs remarquent qu’il se distinguait tout spécialement pour sa disponibilité, sa discipline et son excellente condition sportive. Sa droiture autant que sa lucidité, son calme naturel lui garantissaient une parfaite maîtrise des situations complexes et des opérations. Il avait trouvé au sein de la Gendarmerie nationale des valeurs et des missions à la hauteur de ses aspirations.
De l’avis de tous, il incarnait le Gendarme adjoint volontaire idéal, celui que tous les chefs aimeraient avoir sous leurs ordres. De très belles qualités humaines, de grandes qualités professionnelles
Il avait rapidement en mars dernier accédé au grade de brigadier. Déterminé à faire carrière au sein de l’arme, il s’était donné les moyens de ses ambitions et cela allait payer. Il venait, en effet, de réussir le 19 décembre le concours de sous-officier, reçu 150ème sur plus de 1100 admis. Il n’attendait désormais qu’une chose, sa date d’admission en école pour que son rêve devienne réalité, servir la France. Arnaud était Gendarme depuis deux ans mais il avait déjà tant donné. Maryline, sa mère, Christophe son père, à vous sa famille, vous pouvez être fiers de la belle personne qu’était votre fils et votre frère, au service des autres, apprécié de ses camarades, il avait un avenir prometteur au sein de la Gendarmerie. Sachez que comme vous, elle pleure la perte d’Arnaud, fière pour autant de son engagement.
Par leur diversité d’âge, de grade, de parcours, d’expérience, de caractère, d’inspiration, ils ont incarné la Gendarmerie nationale dans la plus grande richesse mais aussi dans son unité. Chacun d’eux avait son humanité et son dévouement ; chacun d’eux était le beau visage de la Gendarmerie nationale. Ils ont fait honneur à l’institution. Ils ont fait honneur jusqu’au bout à la France et à la République.
Avec la ministre des Armées, au nom du président de la République, nous le saluons et nous leur disons notre admiration pour l’engagement de chaque jour et pour leur courage du dernier jour.
Aux militaires engagés à Saint-Just, cette nuit du 22 au 23 décembre, nous voulons vous dire notre admiration et la reconnaissance de la Nation. Vous êtes intervenus dans des conditions d’une violence inouïe, confrontés à des dizaines de tirs de fusil d’assaut et malgré le danger, vous n’avez jamais reculé. Nous avons une pensée toute spéciale pour vous, adjudant-chef Bertrand Boyonn commandant le PSIG d’Ambert, qui est parmi nous aujourd’hui. Grâce à sa très solide expérience dans le domaine de l’intervention, il a su mettre en place ce soir-là un dispositif exemplaire. Blessé aux côtés du brigadier Mavel, il a tout fait, tout ce qui était fait …tout ce qui était possible, pour sauver et pour continuer les missions et protéger cette femme. Pour cet acte héroïque, vous venez d’être fait par le directeur général de la Gendarmerie nationale chevalier de la Légion d’honneur. Au delà, je pense à vous tous, camarades de nos trois disparus, vous la compagnie d’Ambert et du groupement de la Gendarmerie du Puy-de-Dôme et plus largement tous ceux qui ont côtoyé au cours de leur carrière respective ces trois héros. Je sais que vous êtes sous le choc ; nous le sommes tous. Il y a maintenant le temps du deuil pour se reconstruire, vous y parviendrez car vous êtes des Gendarmes. Malgré les épreuves, vous restez toujours debout, soudés par le collectif, vous continuerez à aller de l’avant et à servir les autres.
Chers parents, chères familles, chers amis, nous le savons avec Florence Parly, aucun mot, aucun geste ne peut en cet instant apaiser votre douleur. Et c’est avec une humilité toute sereine mais qui réfléchit chaque jour au sacrifice des fils et des filles de France, que nous souhaitons encore une fois vous dire ceci : soyez fiers de Cyrille, de Rémi et d’Arno ; fiers de leur engagement pour la France, pour la justice, pour la sécurité, fiers des valeurs qui les guident mais qui devraient tous nous guider, patriotisme, droiture, loyauté, solidarité ; fiers de leur courage et de leur sacrifice. Nous sommes à vos côtés et vous pourrez toujours compter sur le soutien indéfectible de la Gendarmerie nationale et du gouvernement. Nous serons là et nous nous y engageons.
Lieutenant Cyrille Morel, adjudant Rémi Dupuis, brigadier Arno Mavel, aujourd’hui les honneurs militaires vous sont rendus en hommage à votre engagement et votre sacrifice. A travers nous, c’est bien la République tout entière qui s’incline devant vous.
Lieutenant Cyrille Morel, vous êtes promu au grade de lieutenant- colonel. Vous êtes cité à l’ordre de la Nation et dans un instant nous vous décorerons de la Légion d’honneur.
Adjudant Rémi Dupuis, vous êtes promu au grade de major. Vous êtes cité à l’ordre de la Nation et dans un instant, nous vous décorerons de la Légion d’honneur.
Brigadier Arno Mavel, vous êtes promu au grade de Gendarme. Vous êtes cité à l’ordre de la Nation dans un instant, nous vous décorerons de la Légion d’honneur.
Français, beaucoup de gens vous pleurent et vous pleureront encore, vos familles, vos amis, vos camarades mais aussi les habitants d’Ambert, de Saint-Just et de tout un département. Des héros, Messieurs, vous étiez tout simplement des héros, des héros du quotidien qui veillaient sur les Français, les rassuraient et les protégeaient. C’est ainsi que vous resterez dans les cœurs et dans les mémoires et que votre souvenir s’imposera à tous avec un infini respect et l’éternelle reconnaissance de la patrie.