Dans cet article, le capitaine Marc Rollang, porte-parole de l’Association professionnelle nationale de militaires (APNM) Gendarmes et Citoyens, analyse les démissions d’officiers de gendarmerie. Entre frustration professionnelle, contraintes familiales et transformations de l’institution, ces départs témoignent d’un équilibre fragile entre engagement et aspirations personnelles, tout en soulignant l’attachement des officiers à leur métier.
Le taux de départ des officiers est plutôt à la baisse. Il est passé de 6.1 % en 2019 à 5.4 % en 2023. En nombre, il est donc pratiquement identique.
Parce que la gendarmerie, ce sont aussi les officiers qui la composent, il convient de ne pas oublier que, parfois ils quittent la gendarmerie avant l’heure. 360 d’entre eux ont démissionné en 2023. Certains seulement quelques années ou quelques mois avant leur limite d’âge.
Ces personnels témoignent souvent d’une belle carrière mais décident de partir car ils n’y voient plus d’évolution possible. Ils déplorent les changements en matière de gestion ou d’organisation du travail ces dernières années. Ils sont aussi nombreux à évoquer un célibat géographique subi ou redouté en cas de dernière mutation et ils souhaitent laisser leur conjoint s’épanouir professionnellement.
Les témoignages recueillis sont nombreux et illustrent le mal-être consécutif à un manque de reconnaissance d’un engagement sans faille. Florilège !
« J’exerçais plus de responsabilités comme aspirant du contingent en début de carrière qu’actuellement avec des chefs qui veulent tout contrôler, tout valider. Les changements, incessants dans l’institution, ne sont pas en adéquation avec ma vision du métier de gendarme.
Une gendarmerie trop politisée, en quête de médiatisation, seul service public corvéable avec une culture du résultat devenue trop prégnante. Le travail des brigadiers toujours exigeant, qui doivent tout savoir faire et bien le faire, qui voient des unités spécialisées avoir un rythme de vie professionnelle plutôt confortable.
On déplore l’absence d’axes de travail clairs avec une gestion ubuesque. Une absence de perspectives de carrière où le cumul retraite proportionnelle et emploi privée dans un secteur géographique choisi semble la meilleure solution.
Un célibat géographique pesant qui n’est plus acceptable lorsqu’on n’attend plus rien en termes de promotion ou d’indice. La fameuse carotte ! Une volonté de se rapprocher de ses intérêts privés et familiaux à quelques années de la retraite et le sentiment d’avoir donné. »
On constate que le départ à la retraite d’un officier est mûrement préparé. 43 % d’entre eux comptent, après leur radiation, exercer une activité rémunérée et elle ne s’inscrit pas systématiquement avec ce qu’ils faisaient dans la gendarmerie. On peut citer, conseiller juridique, agent de recherches privées, responsable sûreté, mais aussi écrivain, commercial, responsable de vie scolaire. La liste n’est pas exhaustive. Ces personnels conservent un fort attachement à la gendarmerie, en témoigne la part d’officiers intéressés pour participer à des activités dans la réserve. D’ailleurs les 3/4 des officiers sondés encourageraient un membre de leur famille à s’engager.
Les officiers issus du rang sont plus mitigés. Ils évoquent un sentiment de dévalorisation financière et fonctionnelle par rapport au grade de major à la suite des dernières réformes des grilles indiciaires desous-officiers en 2023.
« Je suis très satisfait de mon parcours de 30 ans en Gie. J’ai été officier concertation. J’ai bien tenté de faire bouger des choses. Mais lorsqu’on n’est pas issu de St-Cyr, filière « reine » on ne monte pas haut et on n’arrive pas à se faire entendre. Je pars sans rancœur et j’ai rencontré des gens formidables. J’ai eu des expériences exceptionnelles et j’ai bénéficié de cet ascenseur social. La gendarmerie se transforme et certains chefs ne pensent qu’à leur carrière et pas au métier. Je remercie l’institution pour la carrière qu’elle m’a permis de faire.
Je pars satisfait car j’ai rencontré des chefs et des Hommes de qualité. J’ai pu rire souvent et beaucoup et j’ai su gagner le respect de gens intelligents, l’affection des plus jeunes. Je sais que l’on respire plus aisément parce que j’ai croisé la route de belles personnes. Voilà j’ai réussi ma vie professionnelle. Et si c’était à refaire j’en ferai plus encore ! Je pars le cœur léger au terme d’un contrat signé le siècle dernier !
Le départ avant la limite d’âge est une réalité et si elle trouve son origine dans la brutalité du métier et un manque de reconnaissance de l’engagement, elle est également la conséquence d’une société qui offre des opportunités aux plus déterminés.
Capitaine Marc Rollang