Avec l’IHEMI, Gérald Darmanin restructure les formations en sécurité intérieure

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L'IHEMI sera basée pour partie au fort de Charenton de Maisons-Alfort (Photo CHEMI)

Décidée en octobre 2019, et annoncée en juin dernier lors des 10 ans du Centre des hautes études du ministère de l’intérieur (CHEMI), la création de l’institut des hautes études du ministère de l‘Intérieur (IHEMI) rebat les cartes des formations en sécurité intérieure.

Le nouveau ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, n’a pas perdu de temps pour imprimer sa marque dans ce domaine stratégique de la formation et des observateurs avisés du secteur n’hésitent pas à dire qu’il a indéniablement réussi un “coup de maître” en fondant l’IHEMI par son arrêté du 3 septembre 2020. En seulement six articles, il fusionne les compétences de l’INHESJ et du CHEMI en mettant un terme à une dizaine de mois de gestation pénible. 

L’IHEMI profite de l’échec de la greffe de l’INHESJ sur l’IHEDN

Cet institut au statut de service à compétence nationale (SCN) et rattaché au préfet Jean-Benoît Albertini, secrétaire général, est né avec l’aboutissement d’une réorganisation profonde des hautes études de sécurité intérieure voulue par le Premier ministre. Cette décision historique du retour à l’Intérieur de l’INHESJ découle aussi de l’échec de la greffe de cet institut sur l’IHEDN, décidée lors du Livre blanc de la défense et sécurité nationale de Nicolas Sarkozy en 2008 et qui n’avait pas réussi. Le gouvernement pourrait décider mercredi ou la semaine prochaine le choix du nouveau directeur de l’IHEMI.

Photo de groupe de l’ensemble des diplômés de la dernière promotion du CHEMI avec Stéphane Bouillon, directeur de cabinet du ministre, Christophe Mirmand, secrétaire général Jean-Martin Jaspers directeur du CHEMI (Photo E. Delelis ministère de l’Intérieur)

Les préfets Stéphane Bouillon, actuel SGDSN et ancien directeur de cabinet place Beauvau, et Christophe Mirmand, préfet de la région Sud, et ancien secrétaire général de l’Intérieur, ont fortement soutenu la naissance de l’IHEMI en s’appuyant sur l’expérimentée et solide équipe du CHEMI et avec une consultation des équipes de l’INHESJ. 

4 000 et 5 000 cadres et experts par an

L’IHEMI devrait accueillir en formation en 2021 entre 4 000 et 5 000 cadres et experts par an sur les sites militaires du CHEMI au Fort de Charenton (Maison-Alfort) , et de l’École militaire précise GendInfo.fr qui a consacré un article à la création de l’IHEMI.

Concrètement, selon le texte officiel se rapportant à sa création, l’IHEMI est chargé “d’assurer une formation commune aux cadres dirigeants civils et militaires du ministère de l’Intérieur, et de réaliser des programmes d’études et des produits de formation sur les questions d’administration territoriale, de sécurité intérieure, et de gestion des crises, au profit des cadres dirigeants des ministères, des services territoriaux de l’Etat et de leurs partenaires”

Une “Académie de la Sécurité intérieure” entièrement numérique au Nord et un programme doctoral à Marseille au Sud

La création de l’IHEMI s’accompagne d’un meilleur équilibre entre Paris et les territoires, une nouveauté qui va faire plaisir aux provinciaux. Ainsi l’Académie de la Sécurité intérieure, un outil 100% numérique réalisant des ateliers de travail à distance que le CHEMI appelait de ses voeux, aura son cœur technologique à Roubaix et à proximité immédiate de la métropole lilloise. 

Ce pôle Nord de l’IHEMI proche de Tourcoing, la ville de Gérald Darmanin, sera équilibré par par le programme doctoral avec Aix-Marseille Université (AMU) initié par le préfigurateur Jean-Martin Jaspers avec l’IHEDN et M. Ludovic Escoubas, directeur de ce projet en région Sud. Les “sudistes” Christophe Castaner et Laurent Nunez avaient validé la création de ce pôle sud du CHEMI qui sera apporté à l’IHEMI.

Ces délocalisations, illustrent non seulement la profonde réorganisation au plan technologique, mais rehaussent également la valeur académique des diplômes, une nécessité pour satisfaire les ambitions résolument européennes de l’IHEMI. 

6 millions d’euros en moins

Côté financier, lIHEMI va perdre les 6 millions d’euros de dotation automatique de l’Etat que Matignon va économiser grâce à la restructuration. L’institut sera donc contraint de faire preuve de beaucoup d’imagination pour construire ses nouveaux produits cofinancés par des partenaires.  

Une session nationale de formation à la sécurité intérieure et la justice maintenue.

Si l’INHESJ disparait, sa “session nationale ” très prisée des cadres de la sécurité intérieure, de la sécurité privée, de la justice mais aussi des politiques et des journalistes notamment, est maintenue. Le mariage avec le CHEMI qui a formé 6000 cadres en 10 ans permet de sauver cette offre de formation pilotée par le chef de département, Georges Saunier. 

Une “session nationale de formation à la sécurité intérieure et la justice” et “des sessions de formation et des coopérations universitaires dans les domaines de la sécurité intérieure, sanitaire, environnementale, économique, de l’intelligence artificielle et de l’administration territoriale ” sont en effet prévues.

D’ailleurs, les marques “CHEMI” et “INHESJ” sont restructurées pour devenir non plus le nom des deux centres mais ceux des sessions de formation.  

L’IHEMI qui s’appuie sur le précieux patrimoine et savoir-faire du CHEMI est également chargé “de construire avec les écoles supérieures du ministère de l’Intérieur et des partenaires extérieurs des programmes d’e-formation et de développement d’innovations, avec en particulier la création d’une académie de la sécurité intérieure entièrement numérique ”.

Un rôle central pour la Gendarmerie nationale

Le Directeur général de la Gendarmerie, membre au même titre que le directeur de la Police nationale du comité de pilotage ministériel de l’IHEMI, le “COPIMI”, – présidé par le ministre de l’Intérieur – va jouer un rôle moteur dans cet institut. Il dispose de la capacité de donner directement ses orientations et peut confier des commandes à l’IHEMI.

L’organigramme du nouvel institut qui regroupera une cinquantaine de collaborateurs comprendra cinq postes de direction et six postes de chefs de département, dont les quatre de l’INHESJ qui seront intégrés en janvier 2021 et qui resteront localisés à l’école militaire. Les Gendarmes sont en très bonne place dans la nouvelle structure, tant pour leur valeur technologique dans le systèmes que pour soutenir la vision stratégique.

Le colonel Sylvain Renier à la tête de direction des affaires stratégiques et internationales : la “DASI”

C’est en effet un officier de Gendarmerie, le colonel Sylvain Renier, ancien commandant du groupement du Tarn et conseiller du préfet de police à Marseille qui est à la tête de l’importante direction des affaires stratégiques et internationales (DASI). Elle regroupe les affaires internationales et les départements de gestion de crise et de sécurité économique. Le colonel Renier succède au général Bruno Goudallier qui était le directeur des relations extérieures du CHEMI depuis 3 ans, et vient d’être nommé à l’IGGN.

Le colonel Sylvain Rénier à droite lors de son départ du Tarn (Photo Facebook du Tarn)

Agé de 47 ans, saint-cyrien, le colonel Renier a commandé l’escadron 24/6 d’Antibes (06), la compagnie de Nevers (58) et a été chef du bureau des études à la sous-direction de l’organisation et des effectifs de la DGGN.

Le général Goudallier aux côtés du commissaire Dussel et du colonel Rénier à sa droite et des Gendarmes du CHEMI.

Apporté dans la corbeille de mariage par l’INHESJ dont il est l’un des fleurons, le département de l’intelligence et de la sécurité économique est dirigé par le lieutenant-colonel Christophe Torrisi depuis le 24 septembre 2019.

Le lieutenant-colonel Christophe Torrisi, spécialiste de l’intelligence économique 

Le lieutenant-colonel Torrisi est un spécialiste de l’intelligence économique. Titulaire d’un Master 2 en intelligence économique territoriale de l’université de Toulon et diplômé de la 19ème session nationale de l’INHESJ “Protection des entreprises et intelligence économique”, il a participé à la rédaction de “La Gendarmerie pour les nuls” pour le volet renseignement économique. Ce nouveau chef de département de l’IHEMI est aussi l’auteur du “jeu des 8 familles d’atteintes à la sécurité économique” et de ses 48 fiches thématiques. 

Le lieutenant-colonel Christophe Torrisi (Photo INHESJ)

Jean-Martin Jaspers, directeur préfigurateur de l’IHEMI, compterait mobiliser ce département pour renforcer les compétences en intelligence économique du corps préfectoral. Le 2ème semestre 2020 sera d’ailleurs marqué par la création de 20 sous-préfets “à la relance”. De nouvelles commandes en intelligence artificielle sont probables en 2021 pour aider la sortie de la crise du COVID-19. 

Le lieutenant-colonel Torrisi a débuté comme sous-officier dans la Gendarmerie (école de Montluçon) après son service comme officier de réserve dans l’armée de l’air. Après trois ans au deuxième régiment d’infanterie de la Garde républicaine à Paris, il a intégré le corps des officiers. A sa sortie de l’EOGN, il a été commandant en second des compagnies de Digne-les-Bains (04), et Salon-de-Provence (13) avant de commander la compagnie de Grenoble (38).

Avant de devenir le référent national de la Gendarmerie en matière d’intelligence économique en étant à la tête de la section sécurité économique et protection des entreprises, il a servi au centre de renseignement et des opérations (Crogend) de la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO) de la DGGN.

Un réseau puissant des 700 conférenciers formateurs et experts 

La direction des études de sécurité et de la formation (DESF), qui revient au commissaire divisionnaire Frédéric Dussel, ancien numéro 2 de la sécurité publique dans les Pyrénées Atlantiques et DDSP de la Dordogne aura la responsabilité de la base de données d’un réseau puissant de formateurs, conférenciers et experts. Structuré avec une trentaine de matières d’enseignement, dont la communication, les finances, l’intelligence artificielle ou les stratégies européennes, l’IHEMI offrira au ministère de l’Intérieur et aux auditeurs des différentes sections une formation d’excellence. Ces 700 professeurs et cadres sélectionnés par des années d’efforts, forment le cœur de la matière grise de l’IHEMI. 

Le secrétaire général du CHEMI, depuis 2010, Denis Teisseire, cadre contractuel titulaire d’un doctorat en systèmes d’information, devient secrétaire général de l’IHEMI et est chargé de la fusion avec l’INHESJ en lien avec Xavier Givelet directeur adjoint de L’INHESJ.

Au sein de la Gendarmerie, une quarantaine d’officiers généraux acceptent de partager leurs savoirs dans ce corps des enseignants de l’IHEMI. Le général de corps d’armée Eric-Pierre Molowa, auditeur de la 1ère promotion du CHEMI, ou la générale de corps d’armée Isabelle Guion de Meritens font partie des formateurs les plus appréciés. 

Quatre candidats en lice pour le poste de directeur de l’IHEMI 

Quatre candidats sont en lice pour diriger l’IHEMI dont l’actuel directeur emblématique du CHEMI depuis 2009 et préfigurateur de l’IHEMI, Jean-Martin Jaspers, administrateur général et expert de haut niveau. Délégué à la stratégie et la prospective (DPS) auprès du secrétaire général du ministère de l’Intérieur, il a été notamment chef du cabinet de Michèle Alliot-Marie au ministère de la Jeunesse et des Sports, directeur général des services du Conseil général du Gers, ancien directeur général de la chambre de commerce et d’industrie de Lyon, et secrétaire général pour les affaires régionales de la région Languedoc-Roussillon. 

Son offre de services est en concurrence avec deux poids-lourds du corps préfectoral : Éric Freysselinard, ancien préfet de Meurthe-et-Moselle, de l’Aude et de la Haute-Saône, ancien directeur des stages à l’ENA et Thierry Leleu, conseiller d’Etat extraordinaire, ancien préfet du Val-de-Marne. Cet ancien collaborateur de Jean-Pierre Chevenement au ministère de l’Intérieur était président du conseil d’administration de l’INHESJ depuis 2017. 

La commissaire générale de police Valérie Maldonado, chargée de la restructuration de L’INHESJ dont elle est la directrice depuis novembre 2019, et avec un mandat s’achevant en décembre 2020, est également sur les rangs. Issue de la Police judiciaire et ayant fait ses armes dans la lutte contre la délinquance économique et financière, Valérie Maldonado, auditrice du CHEMI, a notamment dirigé les offices centraux de la lutte contre le faux monnayage (OCRFM) et contre la cybercriminalité (OCLCTIC) et a été précurseur pour la création de la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité.

Au final, c’est Gérald Darmanin en personne qui va décider en étroite liaison avec le président de la République. Selon un observateur privilégié de la place Beauvau, une équipe de direction de choc sera nécessaire en 2021 pour faire face aux nombreux problèmes à résoudre pour bien faire fonctionner une entité qui va économiser une quarantaine d’emplois. “L’IHEMI démarre certes avec de beaux actifs, mais le resserrement budgétaire imposera probablement de l’imagination et une revue de ses missions” analyse encore ce haut-fonctionnaire qui estime “nécessaire le développement d’une offre numérique plus abondante et de haute qualité à la fois pour des besoins budgétaires et pour prendre en compte le nouveau contexte sanitaire de la pandémie de la COVID-19.