Renforcement de la militarité, temps de travail, formation, innovation technologique, réserve et DOT : les défis du futur chef des gendarmes selon le général Cavallier

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La rondache du DGGN (Photo OBLUX)

Après une interview sur les défis que devra affronter le gouvernement en matière de sécurité intérieure, la Voix du Gendarme a interrogé le général de division (2S) Bertrand Cavallier, expert en sécurité intérieure et bien sûr en Gendarmerie sur les défis que devra relever le futur Directeur général de l’Arme. Fils, gendre et frère d’officier de Gendarmerie, père de deux sous-officiers de Gendarmerie, Bertrand Cavallier est une figure de l’Arme.

Saint-Cyrien, instructeur à Saint-Cyr, il a commandé de nombreuses unités, notamment un groupement de gendarmerie mobile et de gendarmerie départementale, le Centre national d’entraînement des forces de Gendarmerie de Saint-Astier (CNEFG) une région et a été sous-directeur des compétences. Il est consultant pour de nombreux médias, dont la Voix du Gendarme.fr

Sur le même sujet : Interview: le général (2s) Bertrand Cavallier, expert en sécurité intérieure, passe en revue les défis du futur ministre de l’Intérieur

Quel sera, d’après vous  le principal défi du nouveau chef de la Gendarmerie devant être nommé début octobre ?

Dans un contexte instable et très incertain, interne et externe, la Gendarmerie, force armée à vocation de sécurité intérieure, exerçant ses missions sur 95% du territoire national, mais régulièrement engagée et de façon massive dans la capitale et les métropoles, occupe une place singulière dans le dispositif global de défense et de sécurité.

C’est en considérant cette réalité que le prochain chef de la Gendarmerie devra fixer les objectifs et le cap à tenir, et ce dans un cadre budgétaire contraint.

De façon volontairement concentrée, je distinguerai quatre domaines qui m’apparaissent primordiaux.

Tout d’abord le renforcement de la militarité

dont procèdent les autres domaines qui vont être abordés. L’on ne peut que se réjouir d’une réaffirmation, certes un peu incantatoire, dans le discours, de ce que qui est sensé constituer l’essence même de la Gendarmerie.

Plus qu’un statut, la militarité signifie un savoir-être et un savoir-faire qui forment une culture individuelle et collective assumée, génératrice d’atouts comportementaux et opérationnels, au plus grand bénéfice de la Nation. Soyons concrets et penchons nous “sur ces valeurs fondamentales qui sont au coeur du métier militaire : la disponibilité, la solidarité, la tolérance, le dépassement de soi” que rappelait Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, en 2004, lors d’un discours à l’Ecole de Rochefort.

Insistons en particulier sur la disponibilité, qui constitue un postulat face à l’imprévisibilité et à la soudaineté de l’événement, quelle que soit son intensité. La disponibilité, c’est l’affirmation du caractère sacré de la mission, la capacité à intervenir rapidement, en tout lieu et en toutes circonstances. 

Ce sont ses valeurs, couplées avec une remarquable adaptation, qui permettent à la Gendarmerie, et tout particulièrement à la gendarmerie mobile, de remplir ses missions en Nouvelle-Calédonie, dans un contexte très dur, et des conditions très rustiques. Je pense notamment à ces escadrons déployés pour quelques semaines et maintenus sur ce territoire plusieurs mois, je pense à leurs conditions d’hébergement, autres que celles d’hôtels étoilés à Nouméa.

Gendarmes du PSIG d’Ambérieu en Bugey lors d’un entraînement avec l’armée de Terre à la Valbonne (Photo DC/LVDG)

Ce sont ces valeurs qui permettent à la Gendarmerie de monter en puissance très rapidement, que ce soit pour une crise ponctuelle, localisée, ou générale, et ainsi garantir l’action de l’Etat en tout lieu.

Ce sont ces valeurs qui permettent de maintenir ce système inégalé du maillage territorial, constitué des brigades  territoriales qui garantissent aujourd’hui , dans les zones de compétence de la gendarmerie, cette sécurité de proximité, au contact direct des populations, car immergées en leur sein

Cette militarité ne saurait être négociable. Relevant de la volonté générale portée par la représentation nationale, la loi du 3 août 2009, outre le rattachement organique et opérationnel de la Gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur, réaffirme son statut militaire et la définit comme une force armée.

Ceci doit inciter le futur directeur de la Gendarmerie et son équipe, au-delà du rappel du socle moral, à revenir à un arrimage aux armées.

Et ceci, afin également de stopper ce processus insensé, qui, sous couvert des évolutions catégorielles initiées au sein de la Police, conduit à une dépréciation significative des grades, voire à leur illisibilité. Ce phénomène est très préjudiciable notamment aux sous-officiers supérieurs et officiers subalternes et conduit en définitive à un affaiblissement fonctionnel. (*)

Le logement concédé par nécessité absolue de service est le système d’arme de la Gendarmerie

Cette militarité est cependant couplée avec le logement concédé par nécessité absolue de service (LCNAS), majoritairement en caserne. Soit le système d’arme de la Gendarmerie qui conditionne notamment le fonctionnement de la brigade territoriale, et la capacité de montée en puissance de l’institution dans des délais très cours. Or, une plus grande cohérence s’impose dans l’effectivité de ce système d’arme, qui nécessite de restaurer une mobilité suffisante des personnels durant leur carrière, mobilité par ailleurs indispensable en gendarmerie départementale pour éviter la routine et conserver cette indépendance indispensable au bon exercice de sa mission.

La Gendarmerie ne saurait appartenir au gendarme, elle appartient à la nation.

Le soutien de la hiérarchie,

la restauration de la verticalité, points majeurs que j’avais soulignés dans le discours prononcé lors de mon départ de i’institution. Ceux-ci, depuis des années, ont été fragilisés. Cette fragilisation procède certes d’un phénomène de société, initié dans les années 60, et dont on mesure les conséquences néfastes aujourd’hui, mais qui aurait pu être maîtrisé au sein de la Gendarmerie. Cette fragilisation a en effet aussi procédé de facteurs internes, tenant à une haute hiérarchie relativisant le fait militaire, et ayant soutenu le développement d’un dispositif de concertation (idée positive au départ), en le positionnant au même niveau que celui de la hiérarchie. 

Combien de fois, d’aucuns ont déclaré que la Gendarmerie avait deux jambes, la hiérarchie et la “concertation”.  Cette conception des choses est d’autant plus surprenante que si la hiérarchie exerce une responsabilité effective, avec des prises de risques qui peuvent l’engager en terme de responsabilité sur le plan administratif et pénal, la chaîne de concertation n’est évidemment par sa nature nullement exposée.

Au positionnement exorbitant de cette concertation, pouvant évoluer vers un syndrome syndical, se sont ajoutés les effets particulièrement déstabilisants du dispositif “Stop discri”, là aussi intéressant dans son principe eu égard à des comportements inacceptables, notamment au préjudice de femmes, mais qui s’est emballé. Et qui s’est imposé rapidement pour des éléments médiocres et malfaisants comme un moyen commode de mettre en accusation la hiérarchie, d’incriminer un supérieur.

Les signalements “Stop discri”et ses conséquences


Les  signalements  “Stop discri”  donnent lieu de façon quasi systématique à des enquêtes conduites par l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale (IGGN), organisme ayant acquis une importance considérable au sein de l’institution. Ces enquêtes, qui, par de multiples auditions tout azimut, passent au peigne fin tous les faits et dires du mis en cause, sont souvent perçues comme conduites à charge contre le cadre mis en cause. Si, face à de nombreuses dérives constatées, tenant du reste parfois à la personnalité de certains “enquêteurs”, la DGGN a souhaité récemment mieux réguler ce dispositif, dont l’indépendance et l’impartialité est désormais renforcée par la mise en place à sa tête d’un magistrat, combien d’officiers et de gradés ont vu leurs carrières sérieusement affectées, sans évoquer le préjudice moral. Et aujourd’hui, tout jeune officier, fraîchement sorti d’école, a le ressenti profond d’un environnement potentiellement périlleux, qui le conduit à agir avec une grande circonspection, notamment dans l’exercice fondamental du contrôle hiérarchique, lequel d’ailleurs permet de déceler des manquements, des situations très pénibles. Sans évoquer la fébrilité de certains officiers supérieurs en charge de commandement. En définitive, dans l’esprit de nombre de personnels, mieux vaut être un cadre sans aspérité, au fonctionnement aseptisé, voire un incompétent doublé d’un démagogue – là évidemment pas de Stop Discri -, qu’un chef engagé, parfois direct et rugueux, qui bouscule les habitudes, et tient un langage de vérité. 

Le temps de travail

Il s’agit d’une question centrale pour la Gendarmerie qui procède d’une indispensable clarification. Rappelons les faits.

En 2016, par l’instruction provisoire provisoire n°36132/GEND/DOE/SDSPSR/BSP, la DGGN s’alignait sur la directive européenne 2003/88/ CE du 4 novembre 2003 dite “temps de travail”. Par cette décision, déstabilisante pour l’organisation du service, et la coupant de la communauté militaire, la haute hiérarchie gendarmique contrevenait donc à la volonté du chef de l’Etat, chef des armées, qui avait exprimé clairement son opposition à l’application de cette directive aux militaires.

Le 7 novembre 2017, Florence Parly, ministre des Armées, au Sénat, s’adressant aux membres de la commission des affaires étrangères et des forces armées, avait alors réagi de façon nette en mettant en exergue les conséquences fâcheuses de cette décision : “ La Gendarmerie a pris l’initiative de transposer à sa manière cette directive, ce qui est dommageable, pour ce qui concerne la disponibilité des forces dont dispose la Gendarmerie, et aussi malheureusement dommageable pour le reste des forces armées, puisque cela crée une sorte de précédent dont nous ne souhaitons surtout pas l’extension.”

Le 2 février 2021, de nouveau devant les sénateurs, elle avait réitéré, de façon ferme et limpide, l’opposition du gouvernement français à l’application de la directive européenne 2003/88/ CE du 4 novembre 2003 dite “temps de travail”. 

Il faut redire que les militaires de la Gendarmerie n’étaient pas demandeurs, et qu’il est temps de rappeler le primat de la mission, en déplaise à certains individus, issus d’associations, et s’improvisant comme  représentants de la Gendarmerie.

 Il faut redire que cette instruction est provisoire et qu’elle ne saurait constituer un acquis, tout en soulignant combien la condition d’un gendarme a été améliorée en trente ans !  Il faut redire que les militaires de la gendarmerie, ceux qui vivent pleinement leur état et lis sont majoritaires, attendent davantage en termes de soutien dans l’exécution de leurs missions, d’engagement de la hiérarchie sur le terrain…

J’ajoute un extrait de l’un de mes articles parus sur ce même sujet dans la revue Le Trèfle.

Les militaires et au premier titre les Gendarmes, du moins leur hiérarchie, se sont engagés dans un processus constant de rapprochement de la société civile. L’analyse développée par Huntington dans son ouvrage “The soldier and the State” est en la matière très éclairante. Selon lui, “ les institutions militaires de toute société sont structurées par deux forces : un impératif fonctionnel découlant des menaces pour la sécurité de cette société, et un impératif sociétal provenant des forces sociales, des idéologies et des institutions dominantes de cette société ”. À l’évidence, l’impératif sociétal a pris le pas sur celui fonctionnel. Cet impératif sociétal n’est cependant pas, sous un effet cumulé d’ignorance et de surenchère, sans paradoxes tant la condition du militaire de la Gendarmerie apparaît à maints égards très favorable, en tout état de cause beaucoup plus protectrice que celle de millions de citoyens. Aujourd’hui, la singularité irréductible du militaire qui pose le primat de l’impératif fonctionnel est de nouveau mise en avant par le ministre des armées, avec comme pierre angulaire la disponibilité qui comprend évidemment en particulier pour la Gendarmerie la notion capitale d’astreinte, loin des dérives d’improductivité au sein de certaines institutions encore récemment dénoncées par la Cour des Comptes. Avec comme but premier, impératif social par excellence, celui de mieux protéger la France et sa population, alors que les menaces s’accumulent tant dans les domaines désormais croisés de la sécurité intérieure et de la Défense”.

La formation

Combien de fois, la Gendarmerie a-t-elle été présentée comme une force humaine? L’efficience de cette force humaine est largement conditionnée par le recrutement, et par la formation.  

Ayant eu à charge, lors de mon dernier passage au sein de la DGGN, cette responsabilité, je puis jeter un regard précis sur ces domaines. 

S’agissant du recrutement, la tâche est difficile. D’une part la concurrence est rude, d’autre part, la société actuelle a plutôt tendance à produire ce que Michel Clouscard définissait en 1969 “comme un humanoÏde libéral-libertaire, errant dans le vide d’un univers hédoniste et faussement universaliste”. Mais il y a une jeunesse encore avide de servir, généreuse, toujours attirée par des professions centrées sur le collectif, la protection de la nation, le refus d’admettre la loi du plus fort, une jeunesse apte notamment à épouser les valeurs militaires. Ce n’est pas forcément celle que l’on trouve majoritairement dans les universités de science humaine, ou les instituts d’études politiques. Mais elle existe. Pour l’attirer, il faut, dans les campagnes de recrutement, tenir un langage clair, sans concession, évoquant l’exigence de l’engagement et la spécificité du métier.

La formation. “L’école te formera dans un creuset d’acier… ”. L’école doit être un creuset. Je rappelai les trois objectifs de la formation initiale. Parfaire le citoyen, construire le soldat (acquisition du savoir-être et du savoir faire, notamment relevant du domaine tactique), et enfin le “bleuir” (acquisition, sur le socle de la militarité, de la culture et des compétences gendarmiques). Cette formation doit être sélective.

Il faut enfin admettre que mieux vaut exclure un élève-sous-officier ou un élève-officier pendant sa formation plutôt que de devoir gérer pendant trente ans un personnel non motivé, incompétent…ce à quoi, malencontreusement  nombre de commandants d’unité, à différents niveaux, sont confrontés.

Depuis quelques années, la formation initiale dispensée dans les écoles traduit une volonté de mieux ancrer la militarité, dans toute sa dimension. Cette évolution doit être confortée, en mettant l’accent sur la densification de l’individu-gendarme. Cette densification doit être globale et porter sur toutes les composantes de l’individu : psychologique, morale, physique.. La densification morale, voire, osons le dire, idéologique s’agissant du pourquoi de son engagement, de ce qui vaut la peine d’être défendu, même au péril de sa vie, étant première comme le rappelait Alexandre de Marenches dans le Secret de Princes.

La sélectivité doit être rétablie tout au long du parcours de formation, et doit être objectivement révélatrice de l’acquisition de compétences correspondant aux responsabilités de commandement exercées. Or, nonobstant le cycle du diplôme d’armes, la Gendarmerie d’il y a trente ans proposait, aux officiers et aux gradés, un schéma de formation certes perfectible, mais  beaucoup plus exigeant. 

S’agissant des officiers, l’on peut tout d’abord se réjouir de l’abandon de l’appellation Centre de formation de dirigeants de la gendarmerie, pour lui substituer celle (précédente) de Centre d’Enseignement militaire de la gendarmerie (à l’instar des structures équivalentes des autres armées). Comme quoi, la sémantique n’est pas neutre, et comme le disait Charles Péquy, « seule la tradition est révolutionnaire ».

Rappelons l’objectif qui est de former une véritable élite militaire apte par ses atouts spécifiques, à coopérer avec les acteurs civils de son niveau, mais non destiné à les “dupliquer”, pour ne pas dire, s’agissant de certains officiers, les singer.

Sur le fond, il serait pertinent de rétablir par concoursun cursus comportant deux étapes, sélectives. L’enseignement militaire de 1er degré avec le cycle de diplôme d’état-major, constituant un premier levier de gestion. L’enseignement militaire de 2ème degré serait ouvert par voie de concours aux officiers détenant le diplôme d’état-major et à minima le grade de chef d’escadron, soit un minimum d’ancienneté qui confère une maturité, une densité suffisante pour aborder ce niveau d’enseignement, sans évoquer le besoin d’être davantage en correspondance avec l’âge et l’ancienneté de leurs camarades des autres armées stagiaires de l’École de guerre. Les modalités de ce concours se sont en effet considérablement appauvries puisqu’elles ne se limitent plus qu’à un seul dit “grand oral”, qui ne saurait être suffisant pour vraiment jauger les candidats. Il est donc urgent de rétablir l’ancien dispositif comprenant des épreuves écrites, et des épreuves orales pour partie centrées sur les capacités à concevoir une opération (Cas concret de gendarmerie mobile, cas concret de gendarmerie départementale) et nécessitant une intense préparation. Et il faut s’interroger sur le besoin de “ breveter”  un effectif d’environ 70 officiers par an sans, mécaniquement, de  perpective assurée pour chacun d’entre eux d’accéder à des commandements de niveau groupement.

Pour autant, suite à la réussite au concours, il faut maintenir le spécifique gendarmerie dénommé CSEMG (Cours supérieur d’enseignement militaire de la gendarmerie), qui est un tronc commun (enseignement de la MRT, Rétex sur les dernières opérations d’envergure, interventions de grands témoins…) aux différentes filières de l’enseignement du 2 ème degré, comprenant les formations alternatives dont celle dispensée par l’Institut national du service public.

Les officiers rang bénéficient déjà d’un stage d’un mois. Cette période devrait être doublée. Par ailleurs, il faut revenir au dispositif de gestion nationale, avec un choix des places en fonction du classement au concours d’accession à l’épaulette, en tenant cependant compte de certains cas particuliers (spécialiste montagne, intervention spécialisée…).

Concernant les gradés de Gendarmerie, la dépréciation des grades de maréchal-des-logis-chef et d’adjudant oblige désormais à centrer la formation au commandement pour les adjudants-chefs, au travers du stage préparatoire à l’encadrement. Ce stage pourrait être densifié et comporter une évaluation. Se pose toutefois la question du niveau de formation au Diplôme d’arme, dédié à des gendarmes et centré sur le niveau groupe. Descendre au niveau de l’équipe nécessiterait de mettre en place une nouvelle formation pour le niveau supérieur. Pour les gradés supérieurs, soit majoritairement des majors dont il faut saluer le repositionnement fonctionnel, est désormais organisé le stage préparatoire au commandement.

Je ne reviens pas sur l’importance d’impérativement sanctuariser l’entraînement qui ne saurait se limiter à du simple et rapide recyclage. Le contexte opérationnel mute, les interventions individuelles et collectives sont de plus en plus complexes.

L’innovation technologique 

La Gendarmerie a toujours marqué un grand intérêt pour les innovations technologiques en vue d’améliorer son fonctionnement global, et ses capacités opérationnelles, notamment dans le cadre de lutte contre la délinquance. Elle sut notamment dédier des budgets massifs pour disposer dès les années 90 d’un système d’information et de communication (SIC) sans égal, et sans cesse évolutif, créer l’Institut de recherche criminelles de la Gendarmerie nationale (composante du Pôle judiciaire de la Gendarmerie nationale)…Elle a lancé en 2017 un plan stratégique de la recherche et de l’innovation, reconduit pour la période 2022-2027, en favorisant l’innovation en interne mais aussi en recherchant la parole extérieure par le concours d’experts relevant de la sphère publique (grands laboratoires de recherche..) qui lui permettent de concrétiser les besoins du terrain. Sous la houlette du général d’armée Christian Rodriguez, Directeur général, elle s’est dotée le 25 février 2021 d’un commandement de la Gendarmerie dans le cyberespace (ComCyberGend), pour pouvoir mieux mener “le combat numérique”. La Gendarmerie a su consentir des efforts  notables à cet effet, budgétaires, mais aussi en termes de ressources humaines (recrutement d’officiers de culture scientifique…). Cette structure, très innovante, a cependant évolué pour constituer d’une part le Comcyber du ministère de l’Intérieur, structure ministérielle placée auprès du DGGN, d’autre part l’unité nationale Cyber rattachée au Directeur des opérations et de l’emploi (DOE) de la gendarmerie. 

La dynamique novatrice de la Gendarmerie est soutenue depuis peu par un nouvel outil, rattaché au directeur de la stratégie digitale et technologique positionné auprès du DGGN, dénommé Observatoire national de l’innovation et des technologies de rupture de la sécurité intérieure. L’objectif est de conserver un temps d’avance pour anticiper les évolutions technologiques qui seront prégnantes dans 10 ans. La feuille de route est déterminée par des chantiers très structurants qui bouleverseront les modes de travail. Ils concernent le numérique, le cyber, l’IA (intelligence artificielle), le cloud, le développement en mode Agile (ou Devops) mais aussi Devsecops (Développement-Security-Opérations), approche qui permet d’intégrer la sécurité des données dès l’amont et tout au long  du processus…À cela, il faut ajouter la disparition des réseaux cuivre pour la transmission des données, avec notamment la généralisation de la fibre ou encore la mise en oeuvre du réseau de communication Storm, successeur de Rubis, opéré par l’agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI).

Il est indispensable que la Gendarmerie conserve cette dynamique fondamentale pour, dans un environnement mutant, pouvoir continuer à assumer ses missions fondamentales de protection des personnes et des biens, de protection de la nation.

Pionnière dans de nombreux domaines technologiques, privilégiant une approche dont elle sait faire profiter d’’autres acteurs, il est cependant souhaitable qu’elle en conserve le bénéfice en termes de positionnement institutionnel dans le dispositif sécuritaire, et qu’elle soit par ailleurs capable de s’opposer à des solutions, notamment numériques, qui ne lui sont pas adaptées.

La réserve

À l’origine dédiée à la DOT, la réserve de la Gendarmerie a connu depuis une vingtaine d’années une mutation copernicienne. Offrant des atouts de souplesse d’emploi, et de moindre de coût d’un personnel/jour, elle s’est en effet affirmée comme un acteur incontournable des missions de sécurité du quotidien, mais également de la sécurisation de grands évènements, en renfort des militaires d’active. Elle est de plus en plus engagée dans des opérations sensibles comme la lutte contre l’immigration clandestine (LIC), notamment dans le département du  Pas-de-Calais. 

Réservistes de la Gendarmerie à l’entraînement au tir (Photo LVDG)

Les retours des réservistes ainsi que le contexte opérationnel plaident pour une nouvelle réforme de la réserve de la gendarmerie.

Si l’objectif des 50 000 reste d’actualité, il serait judicieux de considérer la réserve en deux composantes :

  • l’une constituant le premier cercle ou noyau dur, constitué sur le modèle de la Garde nationale américaine, d’un effectif de 20 000 réservistes, parfaitement équipés, et pouvant à tout moment être engagés. Ces personnels signeraient un contrat en adéquation avec leurs obligations de rappel et exclusif à la gendarmerie (remédier à la tendance, problématique notamment en terme de disponibilité, consistant à être réserviste de deux institutions). Soumis à tests de sélection (condition physique, aptitude psychologique), mieux formés à l’ensemble des missions dévolues à la gendarmerie, équipés à l’identique de leurs camarades d’active (y compris en armements et en moyens de mobilité), ils se verraient proposer un parcours de carrière bien défini et attractif. Cette ressource obligerait à un dispositif juridique et financier de l’Etat, visant à leur garantir leur emploi civil. Et par ailleurs une contractualisation avec des entreprises qui deviendraient ainsi des partenaires de la défense et de la sécurité nationales. S’agissant de leur origine, à l’instar de l’exemple américain cité, un pourcentage significatif serait issu de la société civile ( entreprises, collectivités territoriales) – importance du lien armée-nation -, dont des étudiants (partenariat), l’autre population serait composée de militaires retraités. Parmi ceux-ci, il serait souhaitable de compter d’avantage de personnels issus des forces armées dont la gendarmerie, bien évidemment en s’assurant de leur motivation. Ils seraient notamment affectés aux compagnies d’intervention de réserve territoriale (CIRT).
  • la deuxième, relevant d’un contrat moins contraignant en termes de délai de convocation, et dédiée davantage à des missions de protection mais également à la couverture renseignement de proximité de l’ensemble du territoire.

Cette nouvelle architecture permettrait de diminuer le rythme d’attrition, en garantissant en priorité au « noyau dur » un emploi annuel de 100 jours . Cependant, cette montée en puissance exigerait d’en finir de considérer le budget alloué aux réserves comme une variable d’ajustement pour le budget de la gendarmerie,  pour notamment financer l’évolution des primes de l’active, ou celles relatives à des évènements particuliers (Gilets jaunes, Jeux olympiques et Paralympiques).

La défense opérationnelle du territoire (DOT)

Le contexte géopolitique, croisé avec celui interne, obligent raisonnablement à envisager tous les scénarios. Force armée, présente sur l’ensemble du territoire, disposant d’une large étendue de moyens, et ayant notamment renouvelé récemment son parc blindé (acquisition du Centaure), la Gendarmerie réfléchit à une “défense opérationnelle du territoire rénovée” comme le déclarait le général de corps d’armée Olivier Kim, alors directeur des opérations et de l’emploi (DOE), lors d’un colloque organisé par le MBA de la gendarmerie le 22 novembre 2022. Dossier à suivre.

“ La mollesse du commandement eut son origine, avant tout je crois, dans les habitudes contractées en temps de paix” Marc Bloch dans L’étrange défaite

“valeur militaire, vertu des armes, peines et services des soldats, il n’y a point sans cela de pays qui se tienne ou qui se remette debout” Charles de Gaulle

(*) Grades dans la Police nationale :

Corps de conception et de direction : trois grades : commissaire, commissaire divisionnaire et commissaire général.

Corps de commandement : trois grades, : capitaine (dont l’appellation est “lieutenant” les 4 premières années), commandant et commandant divisionnaire. Le grade de lieutenant n’existe qu’à l’école

Corps d’encadrement et d’application : trois grades : gardien de la paix, brigadier-chef et major. Les grades de sous-brigadier et brigadier ont été supprimés.

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