La Gendarmerie très remarquée au 1er salon mondial de l’intelligence artificielle à Cannes

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Le général Patrick Perrot à droite avec un visiteur et le chef d'escadron Charles Henry, commandant la compagnie de Cannes (Photo DC)

La Gendarmerie, très en pointe dans ce domaine, est présente au premier salon mondial de l’intelligence artificielle (IA), le world artificial intelligence Cannes festival (WAICF) qui se tient depuis ce jeudi et jusqu’à samedi au palais des festivals de Cannes. Les organisateurs de cet évènement qui rassemble 300 intervenants et 120 exposants expliquent “vouloir réunir un large public autour de l’IA, afin de sensibiliser les professionnels et le grand public aux grands enjeux économiques, humains et sociétaux dont découlent les dernières innovations en la matière. 10 000 professionnels sur les journées B2B (professionnels) et 10 000 visiteurs pour la journée grand public, ainsi que 50 000 personnes en ligne sont attendus.

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La Voix du Gendarme N° 20 est consacrée àl’intelligence artificielle

Organisé conjointement par Corp Agency (organisateur de salons et de conférences de haut niveau dans le domaine des nouvelles technologies), le Palais des festivals et des congrès de Cannes, l’Institut EuropIA, la mairie de Cannes et le département des Alpes-Maritimes, cet évènement a été inauguré par le maire de Cannes et président de l’association des maires de France (AMF) David Lisnard, et le président du conseil départemental, Charles Ginésy. Tous deux ont oeuvré pour la tenue de ce 1er salon mondial dans la cité des festivals et dans les Alpes-Maritimes, département qui est une terre d’intelligence artificielle et qui a d’ailleurs un stand.

Le stand de la Gendarmerie est animé par une délégation du Service de la Transformation et du DATA LAB du ST(SI)², Service des Technologies et des Systèmes d’Information de la Sécurité Intérieure. Le général Patrick Perrot, docteur en intelligence artificielle, commandant en second du service de la transformation, et coordonnateur de l’IA pour la Gendarmerie, conduit cette délégation qui comprend aussi un docteur en droit, spécialiste en IA et en robotique militaire. Le général Perrot donnera une conférence ouverte au public ce samedi de 11h à 11h 30 et visible en ligne après inscription.

Un enjeu essentiel au service de la lutte contre le criminalité et la délinquance

La Gendarmerie, en pointe dans les nouvelles technologies, en particulier dans le domaine de la cybercriminalité avec son ComCyberGend (créé en 2021) et son centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) s’est emparée très rapidement de l’intelligence artificielle (IA), au cœur de la nouvelle stratégie GEND 20.24 de la Direction générale. Cette technologie qui ouvre des perspectives sans équivalent en permettant de collecter et de traiter des masses colossales de données est pour l’Arme un enjeu essentiel au service de la lutte contre le criminalité et la délinquance mais aussi un enjeu important pour son propre développement interne. La Gendarmerie est par ailleurs la première institution qui a établi une charte éthique.

Questions au général Patrick Perrot, coordonnateur de l’intelligence artificielle pour la Gendarmerie

Le général Patrick Perrot (Photo DC/LVDG)

LVDG : un stand de la Gendarmerie sur ce salon semble intriguer nombre de visiteurs. Pourquoi est-elle présente ?

Général Patrick Perrot : les organisateurs de cet évènement ont la volonté d’être le plus grand salon mondial de l’IA, et pour la Gendarmerie, l’idée est de montrer son niveau d’innovation dans le domaine de l’IA qui fait partie de la stratégie Gend 20-24 et notre stand a un vrai succès! Notre présence signifie aussi que nous sommes transparents sur nos applications et sur nos recherches.  

LVDG : À l’échéance de 5 ans, quelle place va prendre l’IA dans la Gendarmerie et dans quels domaines ?

Général Patrick Perrot : l’IA va prendre une place quotidienne dans nos activités professionnelles comme elle le fait dans nos activités personnelles au point de ne plus nous en rendre compte. Son influence sur une appréhension pro-active de la délinquance sera effective, elle facilitera grandement le travail de l’enquêteur par sa capacité d’assistance dans la priorisation comme l’analyse des procédures, elle permettra d’analyser des vidéo comme des images en détectant les éléments pertinents, elle optimisera le déclenchement des interventions au niveau du centre opérationnel (CORG), elle soulagera les états-majors en facilitant le travail administratif et en rendant l’information beaucoup plus accessible, elle permettra à chacun d’être encore plus acteur de son parcours de carrière. Bien entendu, la condition est que la Gendarmerie s’engage dans cette voie positive de l’IA, une voie qui nécessite dès aujourd’hui de considérer l’IA dans ses différentes dimensions : formation, développement, éthique, commandement, organisation, partenariats…. 

LVDG : quelles sont les prochaines applications que va développer la Gendarmerie ?

Général Patrick Perrot: l‘authentification de l’information, des fake, est l’un de nos projets. Il s’agit de détecter de fausses images que l’oeil humain est incapable de voir. Par exemple, si quelqu’un utilise la photo d’une personne dans un montage afin de la mettre en cause dans une affaire de pédophilie, l’IA permettra de le détecter. Cela est valable aussi pour l’analyse de la voix dans le cas de l’arnaque au président par exemple qui consiste à utiliser la voix d’une personne afin de se faire passer pour elle auprès d’une connaissance, comptable ou banquier, pour par exemple, faire un virement. 

Nous allons aussi décliner l’analyse prédictive de la délinquance au niveau des violences intra-familiales sur la base des dates, des horaires, des lieux, l’IA est capable de dessiner des modèles pour anticiper des faits. L’objectif est de prépositionner des patrouilles, être pro actif. Les champs d’application sont infinis et l’IA doit pouvoir aussi prendre des décisions autonomes là où l’homme ne peut pas le faire, par exemple en cas de cyber attaque avec une IA défensive contre une IA offensive. La lutte contre les essaims de drônes est aussi un enjeu important pour l’IA.

LVDG :  L’intelligence artificielle peut-elle remplacer des Gendarmes pour certaines tâches ?

Général Patrick Perrot : oui, l’IA permettra de réaliser certaines tâches à la place du Gendarme mais ne le remplacera pas. Il y a bien des années que le Gendarme voit un nombre de taches souvent qualifiées “d’indues » croître sans trouver de solution pour le faire baisser significativement. Alors l’IA n’est pas la solution miracle mais il est évident qu’elle peut largement soulager l’activité du gendarme pour lui permettre de faire baisser son temps de bureau et faire croître son temps au contact de la population. Nombre de tâches chronophages comme répétitives peuvent être effectuées par une IA. Combien d’appels intempestifs au CORG mobilisent les Gendarmes et perturbent l’action opérationnelle, combien de véhicules restent immobilisés au sein des CSAG (centre de soutien automobile de la Gendarmerie) par un manque d’anticipation des pannes ou des réparations, combien de temps passe un enquêteur à transcrire des écoutes téléphoniques ou à visionner des vidéos… et les exemples ne manquent pas. Non, l’IA n’est pas un concept abstrait loin des préoccupations opérationnelles. Oui, l’IA permettra de rendre bien des services aux Gendarmes dans le quotidien de ses missions en replaçant l’action humaine au coeur de l’activité. 

LVDG :  faut-il craindre l’IA ? 

Général Patrick Perrot : s’engager en IA n’est pas anodin car l’effort est réel et cet effort est celui de la connaissance et de la compréhension. “ Rien n’est à craindre, tout est à comprendre ”, nous ne pouvons que souscrire à cette citation de Marie Curie mais nous mettrons tout de même une condition et une recommandation. La condition sera celle de la connaissance, la recommandation, celle de la vigilance. Il n’est pas question de prendre le virage de l’IA sans en mesurer les effets. S’il faut craindre l’IA, ce n’est pas tant pour les questions de transparence ou d’équité qui relèvent de la responsabilité humaine que pour l’impact cognitif sur notre capacité à raisonner ou pour les utilisations malveillantes qu’elle suscite. La meilleure façon de s’engager vers une IA positive est de prendre le chemin de la connaissance. L’IA ouvre des possibles prometteurs et nécessite comme toute innovation d’être régulée par la compréhension plutôt que par l’ignorance. C’est ainsi que le cadre éthique des usages de l’IA doit être envisagé, en connaissance, au risque d’être dépassé par des applications sans régulation qui seraient particulièrement préjudiciables. S’il faut craindre l’IA, c’est par le risque de ne pas nous y intéresser et de laisser le train passer, il ne se rattrapera pas. 

L’IA pour la gestion des ressources humaines.

L’application la plus concrète pour les Gendarmes est un agent conversationnel (chatbot  : robot programmé pour simuler une conversation avec son utilisateur). Expérimenté dans un premier temps avec les officiers en 2019 “parce qu’ils sont moins nombreux et que leur gestion est centralisée”, celui qui se présente comme “le  Chatbot RH” répond désormais aux sous-officiers pour toutes les questions liés leur gestion ressources humaines. Les Gendarmes peuvent ainsi 24 heures sur 24 interroger, et ce de manière anonyme le Chatbot RH. “Quand est ce que je dois je déposer une fiche de voeux?” peut par exemple demander l’usager.

Environ 25 000 questions posées ont été posées avec un taux de compréhension à 94 %! 

Grâce à l’apprentissage profond, tous les cas types ont été rentrés en amont, et le chatbot qui fonctionne avec un moteur de compréhension du langage est ainsi capable de répondre à des milliers de questions. S’il ne peut pas, il se tourne vers un référent humain et c’est un dispositif apprenant, plus on lui pose de questions plus il apprend à mieux répondre.

Un simulateur de parcours de carrière 

Ainsi, la Direction des personnels militaires de la Gendarmerie (DPMGN) a développé plusieurs solutions I.A avec le Datalab et ses partenaires extérieurs, tel un simulateur de parcours de carrière dès l’entrée dans la Gendarmerie jusqu’au meilleur moment pour prendre sa retraite.

C’est une sorte de GPS dans la multitude des choix très variés qui sont possibles dans la Gendarmerie que ses concepteurs appellent  le Waze RH de la Gendarmerie en référence au système de navigation le plus utilisé par les automobilistes qui permet de “gagner du temps et éviter les embouteillages ” ! 
Les “Geek” de la DGGN ont aussi développé un outil de traitement du langage en cours de développement pour optimiser le plan annuel de mutation par le gestionnaire en prenant mieux en compte les souhaits exprimés lors des entretiens de gestion ou de notation par rapport aux postes à pourvoir. 

DC

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