Les élèves officiers de l’Académie militaire de la Gendarmerie nationale (AMGN, ex EOGN) ont effectué leur rentrée au mois d’août avec une scolarité refondue et des nouveautés dans leur cursus de formation. Le point avec le général de division Frantz Tavart, commandant de cette grande école militaire. Interview.
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LVDG : quelles sont les nouveautés de cette rentrée 2025 ?
Général de division Frantz Tavart :
la rentrée 2025 s’accompagne de plusieurs nouveautés et pas des moindres!
D’abord, dans une volonté de renforcement de la militarité conformément au souhait du Directeur général, le général Bonneau, une refonte substantielle de la scolarité initiale et de la formation continue des officiers est mise en place.

Ensuite, c’est un changement notable et pas seulement dans la symbolique, le port du galon d’élève-officier, l’alpha, a été instauré pour tous les élèves de première année, quel que soit leur concours d’origine.
Afin de favoriser l’acculturation par la pratique, de nouveaux stages « ouvriers » voient par ailleurs le jour. Tout d’abord, une immersion de trois semaines en brigade en qualité de gendarme agent de police judiciaire adjoint, c’est à dire avec les mêmes prérogatives qu’un gendarme mono-galon sortant d’école en première année. Enfin, un nouveau stage de trois semaines en doublure du commandant d’une brigade territoriale.
Les futurs commandants de peloton de gendarmerie mobile effectueront de plus un stage de trois à quatre semaines en outre-mer au sein d’un escadron déplacé.
Autre changement, avec la mise en place d’une orientation stratégique des carrières : en sortie d’école, les affectations en gendarmerie mobile seront privilégiées pour les universitaires notamment. Cette orientation de gestion doit notamment permettre de répondre aux engagements particulièrement soutenus de la GM, mais aussi de densifier le parcours d’un jeune officier en début de carrière, et avant que ne lui soit confié un commandement en gendarmerie départementale.

Un premier passage en GM doit de ce point de vue permettre de tremper un peu plus les caractères, en confortant l’idée du chef, homme ou femme d’action, au commandement direct de ses gendarmes et dans un contexte, comme vous le savez, de plus en plus dégradé.
Enfin, nous avons intégré des modules de formation “otaniens » pour préparer nos officiers à une intégration au sein d’états-majors de type OTAN, en particulier pour la gestion de grands événements d’ordre public.
LVDG : avant de revenir sur la refonte de la scolarité, quel est le sens de l’instauration du galon « Alpha » pour tous les élèves de première année ? Et à partir de quand le portent-ils ?
Général de division Frantz Tavart :
les élèves officiers se sont vus remettre leur galon d’Alpha, le 17 septembre, soit sept semaines après leur intégration. Ce galon leur a été remis au cours d’une cérémonie de tradition des mains de leur parrain de la promotion précédente juste avant la présentation au drapeau, conférant à l’instant une forte charge symbolique. Ils le porteront désormais durant toute leur première année de formation quel que soit leur mode de recrutement, direct, universitaire ou semi-direct . Cette mesure doit notamment permettre d’éviter toute hiérarchisation prématurée, donc de renforcer la cohésion et l’esprit de camaraderie qui doivent prévaloir au sein d’une promotion.
À partir de la deuxième année, les directs, les universitaires et les élèves des grandes écoles militaires qui intègrent alors l’académie portent tous le galon de lieutenant. En revanche, les semi-direct, pour une question de statut, portent le galon de sous-lieutenant en deuxième année.
J’ai enfin trouvé plus logique qu’on leur fasse porter le galon d’Alpha parce qu’il conforte notre appartenance à l’ensemble des corps d’officiers des armées. Toutes les écoles de formation initiale militaire font porter l’alpha à leurs élèves officiers. Deuxièmement, cela assure une cohérence interne, évitant les distinctions entre les recrutements. Troisièmement, cela les renvoie à la modestie. Les adjudants et sous-officiers de l’encadrement peuvent les appeler par leur nom de famille, car ils ne sont pas encore lieutenants, ce qui est fondamental pour l’apprentissage d’une nécessaire obéissance avant le commandement.
J’insiste sur le fait que ce choix vise à unifier les promotions, à gommer les hiérarchies statutaires initiales et inculquer le principe fondamental : « pour commander, il faut d’abord apprendre à obéir ».
LVDG : Pourquoi cette refonte de la scolarité ?
Général de division Frantz Tavart :
La refonte s’inscrit dans la volonté du Directeur Général, le général Hubert Bonneau qui parle “d’un risque de bascule du pays”. Il souhaite des officiers plus robustes et résilients, afin d’être en capacité de faire face aux nouveaux enjeux de sécurité et de défense, pas seulement en gendarmerie mobile, mais aussi en gendarmerie départementale.
C’est l’idée principale qui nous a conduits à vouloir conforter, en profondeur, la formation militaire initiale dispensée aux élèves officiers à l’académie.

De même, nous avons renforcé la formation continue de nos officiers à la planification et à la conduite des opérations et ainsi créé des modules de formation “otaniens ». Il s’agit ici de les préparer à une integration au sein d’états-majors fonctionnant aux standards OTAN, en particulier pour la gestion de grands événements d’ordre public, mais aussi dans une logique d’inter-opérabilité avec les armées.
C’est l’enseignement qu’en a tiré le général Bonneau de la capacité de gestion pour la Gendarmerie de grands événements d’ordre public comme le 80 ème anniversaire du débarquement ou les Jeux olympiques (JO). Pour mémoire, la gendarmerie sera très engagée à l’occasion de l’organisation des JO d’hiver de 2030.
C’est donc pour l’ensemble de ces raisons qu’en parallèle de la refonte de la scolarité initiale, il a été décidé de faire évoluer la formation continue des officiers. Tout est donc lié et c’est cette cohérence globale, entre formation initiale et formation continue, que nous cherchons à instaurer.
Il ne s’agit pas de révolutionner les choses, mais de s’inscrire dans les pas des actions engagées par mes prédécesseurs. Le général Laurent Bitouzet avait déjà œuvré à la remilitarisation de la scolarité et au renforcement de la militarité, et c’est sur cet héritage que s’appuie la refonte actuelle. Elle s’inscrit donc une démarche globale visant à garantir que les futurs chefs de la Gendarmerie possèdent non seulement les compétences techniques indispensables, mais également la force de caractère et la connaissance du terrain nécessaire à l’exercice de leurs responsabilités.

L’ensemble de ces réformes constitue, en plus de sessions de formation décentralisées, ce qui est désormais dénomé: “le choc de commandement”.
J’ai deux ans pour faire de jeunes issus du milieu civil des officiers de Gendarmerie
Les promotions sont composées à 80 % d’universitaires, ce sont des civils, des étudiants, je dispose de deux ans pour en faire des officiers de Gendarmerie, des meneurs d’hommes. C’est un peu le sens du propos que je leur ai tenu quand j’ai reçu la nouvelle promotion début août.
Je les ai d’abord félicités d’avoir réussi un concours difficile, mais je leur ai précisé que j’étais là pour conforter leur vocation.
Très clairement, quand les gens viennent chez nous, nous devons nous assurer qu’ils ne se sont pas trompés. Il faut qu’ils aient tout de suite conscience de l’engagement attendu, des exigences du métier. Ils doivent notamment avoir conscience qu’ils devront accepter la mobilité géographique et fonctionnelle consubstantielle à l’état d’officier de Gendarmerie.
Ils doivent être animés de la volonté indéfectible de servir la France à travers le service de la Gendarmerie, dans un cadre militaire.
La perspective de commander des sous-officiers de gendarmerie, donc des cadres, les oblige à l’exemplarité, mais aussi à une indispensable forme de modestie et d’humilité.
J’ai cette phrase qui résume je trouve assez bien les choses: “vous voulez commander : c’est très bien, mais il va d’abord falloir apprendre à obéir!” C’est aussi simple que cela !
La partie “Kaki” avancée au tout début de scolarité
C’est notamment l’objet de la formation militaire initiale (FMI). Elle doit permettre de conforter la militarité, de répondre à ces objectifs de recherche de résilience et de robustesse de nos officiers pour les mettre en capacité de se confronter à des situations potentiellement dégradées. Je reviens sur cette notion essentielle du point de bascule telle que définie par le directeur général. Cette FMI doit aussi permettre, et cela est aussi un de ses souhaits, de conforter les missions de défense opérationnelle du territoire (DOT).
LVDG : concrètement, comment se déroule désormais cette formation initiale ?
Général de division Frantz Tavart :
la formation initiale individuelle confortée est désormais étendue aux cinq premiers mois de scolarité. Désormais, et c’est un grand changement, la partie “kaki” qui se déroule à l’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan se trouve dès le mois d’août en tout début de scolarité, alors qu’auparavant elle se tenait plus tard. Cela permet de ne pas empiéter sur les formations des autres élèves des trois écoles (Saint-Cyr, l’école militaire interarmes (EMIA NDLR) et l’école militaire des aspirants de Coëtquidan (EMAC NDLR). Nous pouvons ainsi profiter pleinement du camp Launay et des champs de tirs, en nous pliant aux contraintes du camps de Coëtquidan qui nous reçoit. Nous y sommes d’ailleurs remarquablement accueillis. La rentrée de l’AMGN a donc été avancée au 1er aout pour permettre ce déplacement anticipé en Bretagne.

Cette formation militaire initiale s’effectue en interne avec des cadres qu’il a fallu remettre à niveau sous la houlette notamment du capitaine d’infanterie parachutiste Paul Ambrosse (fils du regretté lieutenant-colonel de Gendarmerie Norbert Ambrosse NDLR), détaché à Melun.
Après cette formation de trois semaines à Coëtquidan, les élèves reviennent à Melun quinze jours sous le régime de l’internat, puis repartent pour trois semaines au camp de la Courtine dans la Creuse pour suivre le module de chef de groupe de combat d’infanterie (niveau sergent ou maréchal des logis NDLR). lls retournent ensuite à l’AMGN pour un mois consacré à l’apprentissage théorique du combat niveau chef de section, qu’ils mettent ensuite en pratique à La Courtine durant cinq semaines.
Ce qui rend ce niveau de formation “chef de section” particulièrement intéressant, c’est qu’il initie les élèves au commandement de ce qui va s’apparenter à celui d’un peloton de gendarmerie mobile.
Ce stage, qui inclut notamment l’usage de camions de transport de troupe dans le cadre du combat porté, les prépare à manœuvrer avec des véhicules en gendarmerie mobile. Il s’agit là d’une transition logique avec le MO rural notamment.
Concernant la rusticité, les futurs officiers de Gendarmerie séjournent en chambrée de quatre dans des conditions identiques aux gendarmes en ESOG quand ils ne dorment pas sur le terrain. Ils mangent des rations de combat à l’occasion des nombreux bivouacs passés sur le terrain.
LVDG : quand commence la formation pratique dite “bleue” et quels sont les nouveaux stages ouvriers ?
Général de division Frantz Tavart
: après la remise des sabres – vers le 19 décembre- et les vacances, ils reviennent début janvier. Commence alors la formation spécifique dite “bleue” (Gendarmerie), alternant là encore, formation théorique à l’Académie et mise en pratique en unité. Tous seront formés aux exigences de la gendarmerie départementale, avec un stage de trois semaines comme gendarme de brigade, l’Alpha sur la poitrine.
Tout officier de Gendarmerie a en effet, et comme vous le savez, vocation à commander à plus ou moins brève échéance, une compagnie de gendarmerie départementale.

C’est un stage que nous densifions, avec une grille d’appréciation mesurant leur capacité à s’être acculturés au travail de base du gendarme. C’est ce qu’on appelle dans certaines entreprises comme AIRBUS les “stages ouvriers ». Cette pratique avait cours, jadis dans les armées, et c’était une excellente chose. Ces stages se dérouleront dans ce qui constitue la cheville ouvrière de la maison : la brigade territoriale.
L’objectif est de s’assurer que nos officiers aient pleinement conscience des nécessaires exigences propres à l’exécution du service. Ils doivent en outre connaitre l’état d’esprit des hommes et des femmes qu’ils seront amenés à commander, et pour s’être finalement trouvé à leur place.
Il s’agit ici de répondre à un enjeu essentiel, tel que défini par le directeur général : “le commandement par finalités”. Il repose sur la confiance réciproque et l’exploitation de l’intelligence au juste niveau. Nos officiers doivent être engagés dans l’initiative et dans l’action. Il s’agit pour moi de conforter la vocation de l’officier en Gendarmerie. Nous devons pour cela leur donner les moyens d’avoir confiance en eux, leur apprendre à se dépasser, afin qu’ils soient des chefs éclairés et des meneurs d’hommes. Ils doivent donc disposer d’une parfaite connaissance de l’Institution qu’ils ont fait le choix de servir et des gendarmes qu’ils commanderont bientôt.

Le chef c’est celui qui est devant ses hommes. Il est capable d’en tirer le meilleur, les invite à se dépasser, par l’exemple qu’il donne et l’allant qu’il sait susciter.
Nos officiers doivent fédérer les énergies, développer avec les gendarmes placés sous leur autorité l’esprit de corps propre au milieu militaire et à la gendarmerie. Cet esprit de corps doit être compris comme le strict opposé de l’esprit de classes.
LVDG : les officiers du corps technique (OCTA), font-ils également ce stage en brigade ?
Général de division Frantz Tavart :
Non les OCTA ne vont pas en brigade comme leurs camarades officiers de Gendarmerie (OG). Ils suivent, en revanche, et à ce moment-là les cours à l’université de Paris Est Créteil (UPEC). Il s’agit ici de les préparer aux missions de soutien qui leur seront confiées par la suite. Tous, ont en effet à l’issue de leur formation initiale, vocation à commander un groupe de soutien ressources humaines (GSRH) en groupement. Ils rejoignent en revanche la promotion pour les stages parachutiste ou montagne, ainsi que pour le stage commando.
Nos OCTA suivent cependant un stage en groupement de gendarmerie départementale dès le mois de septembre de la seconde année de formation. Il doit leur permettre de prendre la mesure de leurs futures fonctions. Ils ont alors, et notamment, l’occasion de s’immerger au sein d’une brigade et afin d’en comprendre le fonctionnement et les besoins.
LVDG : Quelles sont les nouveautés prévues en deuxième année ?
Général de division Frantz Tavart :
en deuxième année, la formation est certes orientée sur les dominantes professionnelles (celle de la première affectation en unité de nos jeunes), mais conservent des traits communs à tous.
Tous les officiers de Gendarmerie passent par le stage Gestion de l’Ordre Public (GOP) à Saint-Astier durant deux semaines.
Il s’agit ici de tirer les enseignements des différentes crises auxquelles notre pays a été confronté ces dernières années et sur l’ensemble du territoire, en métropole, mais aussi outre-mer.
Ensuite, les officiers-élèves effectuent un nouveau stage de trois semaines au sein d’une brigade, en doublure du commandant d’unité.
Un stage d’immersion outre-mer en mobile
Mais la grande nouveauté concerne la dominante maintien de l’ordre défense. Comme je l’évoquais en propos liminaires, nous faisons le nécessaire pour les envoyer en stage d’immersion de trois à quatre semaines en outre-mer (Guyane, Nouvelle-Calédonie, Mayotte) avec des escadrons déplacés. Ils seront en doublon avec un commandant de peloton pour apprendre le métier. Cela vise à durcir la formation et à repousser leurs propres limites, les préparant ainsi à l’emploi en conditions dégradées.
LVDG : les promotions de l’AMGN sont importantes en nombre d’élèves. Pourriez-vous détailler leur composition actuelle ?
Général de division Frantz Tavart :
oui, absolument. La promotion actuelle compte 192 élèves officiers en première année dont15 élèves officiers issus des pays amis. En deuxième année, cette promotion est rejointe par 15 nouveaux officiers élèves des pays amis, ainsi qu’une quinzaine d’officiers directs issus des grandes écoles militaires. Ces officiers directs peuvent varier un peu, mais nous avons généralement douze Saint-Cyriens, un à deux bordaches (École navale), un à deux de l’École de l’Air et de l’Espace, et un à deux polytechniciens. Il ne faut pas oublier également les officiers issus des armes (OA), c’est-à-dire les capitaines, qui sont dix cette année, contre six l’année dernière.
LVDG : dix OA, c’est un nombre notable. Ce recrutement a-t-il évolué récemment ?
Général de division Frantz Tavart :
oui, il y a dix OA cette année, c’est plus que l’année dernière. Nous avons modifié les recrutements : nous en recrutons moins qu’avant, et nous exigeons ensuite qu’ils détiennent un Master 2 ou équivalent.
Ces officiers ont vocation dès la sortie de l’AMGN à commander un escadron de gendarmerie mobile.
LVDG : Comment le nombre d’élèves nécessaires pour une promotion est-il établi en fonction des besoins de la Gendarmerie ?
Général de division Frantz Tavart :
c’est le gestionnaire, la Direction des Ressources Humaines (DRH), qui fixe ce nombre en fonction de ses besoins de gestion. Le bureau recrutement du CEGN (Commandement des Écoles de la Gendarmerie Nationale) se voit fixer un objectif de recrutement. Une fois que ces officiers sont recrutés, l’AMGN est chargée de leur formation.
LVDG : est-ce que 200 officiers tous les ans ne représente pas une quantité trop importante ? Y a-t-il 200 places de lieutenants disponibles chaque année ?
Général de division Frantz Tavart :
oui. Tous les officiers de Gendarmerie ont vocation, sauf quelques exceptions pour des compétences techniques ou scientifiques rares, à commencer leur carrière sur des temps de commandement de premier niveau (TC1).
Ceux qui choisissent la dominante maintien de l’ordre défense (MODEF) commenceront dans des pelotons de gendarmerie mobile (GM). Ceux qui choisissent la sécurité générale (SPG) commanderont une COB (Communauté de Brigades) ou une brigade autonome. On les trouvera également sur des pelotons d’autoroute ou motorisés pour la dominante contrôle et gestion des flux.
Le Directeur général (DG) souhaite que les officiers de la dominante PJ soient affectés à la tête des Brigades de Recherches (BR), voire à la tête de groupes au sein des sections de recherches dont les GOS (groupe d’observation et de surveillances).
LVDG : Justement, n’était-il pas question de réduire le nombre d’officiers à la tête des COB au bénéfice de la gendarmerie mobile mais aussi des majors. Qu’en est-il de cette orientation ?
Général de division Frantz Tavart :
cette idée de confier des commandements de COB aux officiers remonte à l’époque où il a été décidé de favoriser une acculturation des officiers de Gendarmerie en leur permettant d’assumer des responsabilités en gendarmerie départementale dès leur premier commandement. Cette démarche était aussi liée à l’ouverture du recrutement aux universitaires.
Aujourd’hui, le souhait du Directeur général est d’augmenter sensiblement le nombre de places offertes en gendarmerie mobile (GM) à l’issue de la scolarité. L’idée est de réduire le volume des affectations en brigade au bénéfice de la GM. Cela permet de rajeunir l’encadrement de la mobile, de le rendre plus dynamique, et de favoriser une meilleure acculturation de nos jeunes officiers à la Gendarmerie. La GM constitue à bien des égards, et comme je l’évoquais précédemment, une excellente transition entre la formation initiale et une affectation ultérieure en départementale. L’apport de “sang neuf » doit aussi permettre à la GM de répondre encore plus efficacement aux très fortes sollicitations opérationnelle auxquelles elle est, comme vous le savez, fortement confrontée.
LVDG : Quelle est actuellement la proportion entre les affectations en GD et en GM dans une promotion ?
Général de division Frantz Tavart :
selon les projections actuelles – les choses peuvent donc encore évoluer à la marge-, 90 places seraient offertes au bénéfice de la gendarmerie mobile, une cinquantaine en gendarmerie départementale (brigades), une dizaine en unités motocyclistes, et environ une petite trentaine en police judiciaire.
Le Directeur général souhaite densifier l’exercice de la PJ par l’affectation de jeunes officiers en brigades des recherches notamment et afin de constituer, dès les premiers commandements, le vivier qui permettra, à terme, de commander les sections des recherches.
Il s’agit ici, et sur le long terme, de permettre à la Gendarmerie de disposer des moyens de lutter plus efficacement contre la criminalité organisée et le narco-trafic.
S’agissant de la dominante jadis appelée “sécurité routière », il s’agit là aussi de répondre au souhait du Directeur général d’étendre l’exercice des missions confiées aux unités motocyclistes aux contrôles de l’ensemble des flux.
Le niveau d’exigence requis au commandement de ces unités est donc augmenté, en recherchant une polyvalence accrue.
Les affectations au sein des gendarmeries spécialisées sont marginales et varient selon les besoins et les années.
LVDG : concernant les affectations particulières comme le GIGN ou les PGHM, est-ce que les officiers peuvent choisir d’y être affectés dès la sortie de l’école ?
Général de division Frantz Tavart :
non, ce ne sont pas des affectations que l’on choisit en sortant de l’AMGN. Il faut d’abord être affecté en unité pour un premier temps de commandement, par exemple en mobile. C’est ensuite, pendant la première affectation que l’officier peut répondre à l’appel à volontaires et réussir les tests de sélection pour intégrer une spécialité comme le GIGN ou le secours en montagne.
LVDG : La promotion est composée d’OG, d’OCTA et d’OSC. Le tronc commun de la formation est-il le même pour tous ?
Général de division Frantz Tavart :
l’idée essentielle dans la formation initiale est de faire passer tout le monde dans le même creuset initial de formation unique. La promotion est composée d’officiers de Gendarmerie (OG), d’officiers du corps technique administratif (OCTA) et d’officiers sous contrat (OSC). Contrairement aux autres armées, nous faisons tout cela dans une même promotion. La FMI constitue bien le socle commun à l’ensemble des corps et recrutements.
LVDG : la formation continue des officiers se fait-elle à l’AMGN?
Général de division Frantz Tavart
: l’officier revient ici avant le TC2 (commandement de compagnie). Tous les TC2 passent par ici, ainsi que pour les fonctions en état-major et les stages de pré-affectation unité (TC2, TC3, TC4). L’enseignement supérieur (EMS1) est fait intégralement ici, tandis que le EMS2 est suivi à l’école militaire.
LVDG : l’AMGN est aussi en charge de la formation des officiers issus du rang . Que pouvez-vous nous en dire ?
Général de division Frantz Tavart :
oui en effet. Tous les officiers de Gendarmerie, et quelque-soit leur recrutement, ont vocation à être formés au sein de l’AMGN.
Les officiers issus du rang – une soixantaine par an -, suivent quant à eux une formation de deux mois à Melun et pour partie au camp de Beynes dans les Yvelines.
L’idée est de favoriser une rapide remise à niveau d’élèves officiers déjà très expérimentés, sans repasser par une formation dite “de base” qui n’aurait les concernant pas vraiment de sens.
Ils sont cependant formés aux attendus et exigences du métier d’officiers et intègrent les rangs de la promotion sortante. Le corps des officiers s’il est unique, fonde son originalité et sa force dans la pluralité des parcours et des origines qui le constituent
L’ordre du jour de la présentation au drapeau
ORDRE DU JOUR N°1 du général de division Frantz Tavart
Commandant l’académie militaire de la Gendarmerie nationale
Melun – 17 septembre 2025
Officiers des armées, officiers de recrutement direct, français et des pays amis, élèves-officiers de la 132ème promotion :
Entourés par vos camarades de la promotion Capitaine Keller, avec les cadres nouvellement affectés à l’école, ainsi que par nos décorés, vous allez dans quelques instants être présentés au drapeau de notre académie.
Alors qu’à l’occasion de récentes manifestations, certains voudraient interdire à nos trois couleurs de claquer au vent, cette cérémonie revêt une importance majeure.
Notre drapeau, emblème national, sous la cinquième république, trouve son origine pendant la révolution française. La convention nationale le décrète en effet pavillon national le 15 février 1794.
Il est né de l’union des couleurs du roi (le blanc) et de la ville de paris (le bleu et le rouge).
Symbole de la liberté du peuple français, il est aussi celui de la concorde nationale retrouvée après la Terreur.
Il incarne notre identité.
Il est au cœur des moments clefs de notre histoire. Associé à l’allégorie de la liberté guidant le peuple en 1830, il lui a été préféré au drapeau rouge en 1848.
J’ai ici à l’esprit le discours d’Alphonse de Lamartine prononcé le 25 février 1848.
Je le cite: “Le drapeau rouge que vous nous rapportez n’a jamais fait que le tour du Champs de Mars, traîné dans le sang du peuple en 1791 et 1793. Le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie”
Signe de ralliement, symbole de la France et incarnation de ses valeurs universelles, de liberté, d’égalité et de fraternité, notre drapeau doit être, pour chacune et chacun d’entre nous, le rappel indéfectible du serment de notre engagement.
A l’instar de celui prêté justement par le colonel Leclerc et ses hommes, dont de nombreux frères d’arme africains à Koufra le 2 mars 1941.
Je salue ici la présence de leurs héritiers des pays amis :
“Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ”
Ces soldats de la deuxième division blindée tiendront ce serment en libérant Strasbourg, le 23 novembre 1944.
Reçu le 14 juillet 1937 des mains du président de la République Albert Lebrun, notre drapeau a été cité à l’ordre de l’Armée en 1951. L’école est décorée l’année suivante par le président Vincent Auriol de la Croix de Guerre 1939-1945 avec palme pour les “vertus de son enseignement et les services rendus par les officiers qu’elle a formés (…). “ C’est presque 70 ans plus tard, le 6 décembre 2020, que l’emblème de notre école est finalement décoré de la Légion d’honneur par la ministre des Armées Florence Parly, reconnaissant ainsi “la gratitude de la Nation pour cet engagement d’un siècle de formation et d’accompagnement des hommes et des femmes qui s’apprêtent à consacrer leur vie au commandement et au service de leur pays”.
Sur son avers sous l’inscription:
“République Française” apparaît le nom de celle qui est désormais votre unité l’“École des Officiers de la Gendarmerie Nationale”, dénommée depuis maintenant une année “ Académie Militaire de la Gendarmerie Nationale ”.
Le revers porte, brodés en lettres d’or, les mots :
HONNEUR ET PATRIE
Cette devise puissante, commune à celle de l’ordre de la Légion d’honneur, décrit non seulement ce qu’incarne notre drapeau, mais aussi ce qui devra toujours guider votre action.
Cette année, nous célébrons également le 80ᵉ anniversaire de l’implantation de notre académie à Melun. Cet anniversaire illustre le lien indéfectible qui nous unit à sa ville d’accueil et à sa mairie, partenaire fidèle et soutien constant de notre mission de formation.
Je vous invite à méditer comme vous l’avez fait cette nuit, sur les mots de jules Claretie :
“Il faut avoir été soldat, il faut avoir passé la frontière et marché sur les chemins qui ne sont pas ceux de la France, il faut avoir été éloigné du pays, sevré de toute parole de la langue qu’on a parlée depuis son enfance; il faut s’être dit pendant des journées de fatigue que tout ce qui reste de la patrie absente, c’est ce lambeau de soie aux trois couleurs française qui claque là-bas au centre du bataillon; il faut n’avoir dans la fumée de la bataille d’autres points de ralliement que ce morceau d’étoffe déchirée pour comprendre et sentir tout ce que contient dans ses plis cette chose sacrée qu’on appelle le drapeau.
Le drapeau, c’est contenu dans un seul mot rendu palpable dans un seul objet, tout ce qui fut, tout ce qui est la vie de chacun de nous : le foyer où l’on naquit, le coin de terre où l’on grandit, le premier sourire d’enfant, la mère qui nous berça, le père qui nous gronda, la première larme, les espoirs, les rêves, les chimères, les souvenirs ; c’est toutes ces joies à la fois, enfermées dans un seul nom, le plus beau de tous, la PATRIE.
Le drapeau, c’est l’honneur du régiment, ses gloires, ses titres, flamboyants en lettres d’or sur ses couleurs foncées qui portent des noms de victoire. C’est comme la conscience des braves gens qui marchent à la mort de ses plis, c’est le devoir dans ce qu’il y a de plus sévère et de plus fier, représentant ce qu’il y a de plus grand, une idée flottante dans un étendard.
Aussi, étonnez-vous qu’on l’aime, ce drapeau parfois en haillons, et qu’on se fasse, pour lui, trouer la poitrine ou broyer le crâne.”
Jeunes élèves officiers de la gendarmerie, arborant désormais l’alpha sur vos poitrines, vous vous engagez maintenant à défendre notre patrie, vous vous engagez à marcher dans les pas de vos anciens, pour, comme eux, protéger la France et les français.
Cette responsabilité est d’autant plus lourde que cet étendard brillera avant tout de vos mérites. Il ne saurait être tâché par la trahison des idéaux qu’il incarne.
C’est pourquoi, à la vue du drapeau, lorsqu’il apparaîtra dans quelques instants, faites le serment de vous engager sans limite, de susciter l’adhésion par vos vertus dans le commandement que vous exercerez bientôt.
Le maréchal Lyautey dans “le rôle social de l’officier” écrivait :
“Aux officiers qu’il soit demandé, avant tout d’être des convaincus, des persuasifs, osons dire le mot, des apôtres doués au plus haut point de la faculté d’allumer le feu sacré dans les jeunes âmes: ces âmes de vingt ans prêtes pour les impressions profondes, qu’une étincelle peut enflammer pour la vie, mais qu’aussi le scepticisme des premiers chefs rencontrés peut refroidir à jamais.”
Ce feu sacré doit vous guider dans l’action du quotidien, dans l’exigeante exécution du service, mais aussi dans les épreuves majeures que connaîtra probablement notre pays.
Nous sommes, comme l’a rappelé le général d’armée Hubert Bonneau, notre directeur général de la Gendarmerie nationale, à “un point de bascule ».
Car c’est ce que l’on attend de l’officier de Gendarmerie français.
J’ai confiance dans votre sens du devoir et dans la force de votre engagement pour la défense et la sécurité de la France et des Français.

