L’APNM Gendarmes et Citoyens apporte régulièrement aide et soutien aux militaires d’active et ce, depuis plus de 15 ans. En 2023, les bénévoles de l’association ont été sollicités près de 3000 fois. Nous publions une nouvelle rubrique “hot case” (cas chaud) qui s’appuie, avec son accord, sur le témoignage d’un gendarme. Ci dessous, le dossier évoqué en 2022 d’un gradé mis en cause.
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Un jeune adjudant de Gendarmerie, que nous appellerons François, est poursuivi pour ventes frauduleuses de tabacs et pour des dégradations par graffitis (tag). En toute discrétion, il saisit L’APNM “Gendarmes et Citoyens” à l’époque des faits. Il apprend que son commandant de groupement a utilisé l’article 40 du code de procédure pénale pour dénoncer auprès du procureur de la République, son comportement qui apparaîtrait déficient. Simultanément, il fait l’objet d’une sanction disciplinaire et d’un détachement dans une autre unité, puis d’une mutation d’office prononcée dans l’intérêt du service. Les faits qui lui sont reprochés sont extrêmement graves, la revente de cigarettes, des dégradations et des menaces. L’enquête judiciaire est diligentée par une section de recherches. Placé en garde à vue, il réclame durant son audition, qui durera dix heures tout de même, que des vérifications soient réalisées sur la téléphonie, la consultation de ses comptes bancaires pour démontrer l’absence d’enrichissement personnel et un transport sur les lieux des dégradations. Il demande également à être confronté à ses accusateurs. Son conseil, présent durant les auditions, ne manquera pas de noter qu’aucune de ces mentions ne figure dans le procès-verbal. Rendu libre et convoqué une première fois en 2023, il est finalement jugé devant le tribunal correctionnel en début d’année 2024. Il peut enfin exprimer devant des magistrats indépendants les faits qui semblent l’avoir entraîné dans une spirale juridico-administrative infernale. Bien avant les faits qui lui sont reprochés, il avait dénoncé les comportements de son commandant de brigade à l’inspection générale (IGGN). Les enquêteurs détectent du harcèlement moral à son égard, ayant pour conséquence une dégradation très sensible de ses conditions de travail et une altération de sa santé mentale (sic). Selon les conclusions de l’IGGN, cette ambiance délétère fait à la mise place d’agissements qui semblent clairement rechercher l’isolement du militaire, voire son éviction de l’unité. Le commandant d’unité affiche également la volonté de pousser les autres personnels à appuyer sa manœuvre. Les allégations de l’adjudant sont confirmées par les perquisitions menées dans le logement du commandant d’unité. Elles permettent de découvrir divers objets volés. Il est rapidement suspendu de ses fonctions et écope d’un blâme ministériel, sanction la plus grave parmi celles du premier groupe. Il sera condamné à huit mois d’emprisonnement avec sursis pour vol de scellés et faux en écriture.
Mettant à profit cette période, il prépare sa défense, toujours soutenu par l’association. Le procureur général, averti des développements de l’affaire du commandant d’unité, ne suspend pas l’habilitation de François.
Rétabli dans sa dignité par une relaxe sans appel.
Dans le palais de justice, l’audience correctionnelle est ouverte. Le prévenu comparaît libre. Il est assisté de son avocat. Les éléments constitutifs des trois infractions retenues contre lui sont décortiqués.
François s’est contenté, à l’occasion de ses voyages à l’étranger, de ramener des paquets de cigarettes qui coûtent moins chères qu’en France. Il a proposé à ses collègues de leur en rapporter et de les leur vendre au prix d’achat sans rechercher un quelconque bénéfice. Il ignore commettre un délit compte tenu du fait qu’il ne revend pas les cartouches mais se contente de les remettre en contrepartie du paiement du coût de revient. Il n’y a manifestement pas d’intention coupable de sa part, ni d’enrichissement. Il lui est également reproché d’avoir “dégradé ou détérioré volontairement des biens destinés à l’utilité publique… ”, en causant un dommage grave. Il reconnaît appartenir à un groupe de graffeurs et le graphisme constitue, depuis son enfance, une réelle passion qui n’est pour autant pas illégale dès lors qu’il s’est toujours appliqué à exercer son art sur des supports lui appartenant ou à la demande d’un tiers comme il l’a fait en Guyane pour le professeur d’une école. On lui reproche d’avoir graffé la table de jardin qui se trouve aujourd’hui à la brigade, en passant sous silence le fait qu’elle lui appartient. D’ailleurs, aucun de ses “camarades” ne l’a jamais vu en train de réaliser des tags dans d’autres lieux. Il ne s’agit que de rumeurs sans fondement. Comme pour enfoncer le clou, l’enquête diligentée par l’inspection arrive à la même conclusion. Demeure le troisième fait pour lequel il est poursuivi. La contravention de menaces proférées à l’encontre de quatre personnes. Les faits s’effritent rapidement. Trois témoins sur les quatre identifiés, semblent avoir agi par pure calomnie. Pour la dernière accusatrice, les faits de menaces sont avérés. Accusé de viol et blessé, il reconnaît avoir réagi à chaud en promettant de la “ tarter et de déboiter la bouche” par texto. Il était colère et face à de telles accusations mensongères, il avait souhaité mettre les choses au clair avec l’intéressée. Celle-ci n’a jamais porté plainte et elle estime avoir été manipulée.
L’heure des réquisitions annonce la fin des débats. Malgré l’absence de faits répréhensibles, le contexte irrespirable contenu dans ce dossier et à la stupéfaction générale, le procureur requiert huit mois de prison et cinq ans d’interdiction d’exercice de la fonction publique. Le tribunal prononce la relaxe pour les délits et condamne avec dispense de peine la contravention de menaces. À travers ce jugement, les magistrats ont été sensibles au sentiment d’injustice exprimé au cours du procès. Désavoué, le parquet n’interjette pas appel. Le jugement devient par conséquent définitif mais la plaie est béante.
François est désormais tourné vers l’avenir. Il attend avec sérénité les conclusions de son recours contre les sanctions abusivement et précipitées dont il a fait les frais. Il laisse à la hiérarchie qui a initié cette affaire, le soin de se remettre en question.