Sainte-Soline : “la connivence contre les évidences” : tribune du colonel (ER) Philippe Cholous, expert en maintien de l’ordre

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Un manifestant équipé d'un chalumeau incendie un fourgon de Gendarmerie (photo ministère de l'Intérieur)

Le colonel (ER) Philippe Cholous, expert en intervention professionnel, spécialiste du maintien de l’ordre, ancien instructeur au CNEFG de Saint-Astier, commandant en second du GBGM de Versailles-Satory, auteur de l’ouvrage de référence “L’Ordre pour la liberté, approche militaire de l’art méconnu du maintien de l’ordre”, conseiller de La Voix du Gendarme, livre dans une tribune son analyse personnelle sur l’opération de Sainte-Soline qui s’est traduite par 45 Gendarmes blessés et 7 manifestants dont deux sont dans un état très grave.

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Le général Ivan Noailles m’a dit un jour : “dans toute opération de maintien de l’ordre, réussie ou non, il faut s’attendre avec les media à l’application systématique et toujours à charge de la règle des quatre trop : “Trop tôt, trop tard, trop, trop peu”. Nous y sommes.

Ce conseil de l’un des meilleurs spécialistes du maintien de l’ordre, fruit d’une expérience avérée, se trouve en effet parfaitement illustrée par les récents événements de Sainte-Soline. De fait, ceux-ci ont donné lieu à un inévitable affrontement idéologique dont la Gendarmerie fait, in-fine les frais, puisque le ministre de l’Intérieur a fait le choix paradoxal au regard des faits, de suspendre des militaires de l’Arme.(*) Nous sommes bel et bien ici au cœur d’une totale inversion des valeurs, tant les faits et les images démontrent objectivement le déchaînement de la violence illégale et illégitime dont ils furent l’objet. Initialement sous le choc, l’opinion publique n’a pas été dupe, puis fut immédiatement entreprise dans certains media, occupés qu’ils étaient à pervertir l’information pour inverser, en partie avec succès, cette tendance. La connivence contre les évidences. Toujours est-il que les Gendarmes appliquant la loi au nom du peuple Français, dépositaires de l’exercice d’un emploi légitime et gradué de la force, se trouvent explicitement mis en cause alors même qu’un adversaire ultra violent et en situation illégale, éprouve mécaniquement un sentiment grandissant d’impunité.

Face à cette situation déplorable et particulièrement frustrante pour la Gendarmerie, il importe de prendre ici du recul pour comprendre le cadre général de l’action, afin de mieux anticiper ce type de situations.

Sur le fond, la question des bassines à Sainte-Soline est moins une question écologique que sociale qui consacre le divorce profond entre plusieurs catégories de citoyens :

  • La France majoritaire, ancrée dans les réalités et légaliste, qui travaille et construit, face à des activistes idéologiques, minoritaires et internationalisés, pour partie désœuvrés et employés à déconstruire ;
  • La France des campagnes qui vit de la terre et de la mer, de métiers réels et exigeants, face à certains urbains, exerçant majoritairement des “bullshit jobs”, qui ne comprennent peu ou prou rien à l’ordre naturel, encore moins à la nature.

Il s’agit là d’une fracture de fond que l’on observe dans tous les pays développés du bloc occidental, et qui prospère sur fond d’inflation des diplômes et de baisse générale du niveau d’éducation réelle. Ses conséquences pratiques sont  les tentatives de plus en plus fréquentes de blocage par des minorités à la mise en œuvre de projets menés par l’Etat pour le bien commun des populations.

D’un point de vue professionnel, les événements de Sainte Soline sont à également à envisager à l’aune de l’émergence d’une “violence globale”, théorisée dès les années 1990 par le général Bertrand Cavallier (2). Entre plusieurs types de radicalisations, certains extrémistes se sont donc ainsi professionnalisés de ZAD (zone à défendre) en ZAD, dans la déstabilisation des États, l’ultra violence et la communication médiatique.

Dans ce contexte, l’erreur consiste à réagir dans l’émotion à chaque événement, à chaque incident, au cas par cas, sans envisager ni la cohérence ni les conséquences à long terme des mesures prises.

Or, c’est précisément ce qui a été fait par exemple en retirant les grenades à effet de souffle, sans pour autant fournir aux forces de l’ordre de moyens de substitution, sans concevoir ni les changements doctrinaux et tactiques induits, sans même procéder aux éventuelles adaptations légales nécessaires pour maintenir un adversaire résolu et violent à distance.

Nous avons pu mesurer à Sainte-Soline les conséquences très concrètes d’une décision technique irréfléchie.

Se doter d’un véritable outil de retour d’expérience et redonner à la dominante maintien de l’ordre ses lettres de noblesse

C’est pourquoi, il est urgent d’une part de se doter d’un véritable outil de retour d’expérience, conceptuel et doctrinal, de nature à pouvoir influer en amont, politiquement, institutionnellement, dans le champs de la réflexion, dans notre pays mais aussi hors de nos frontières, sur les évolutions du maintien de l’ordre, d’autre part de consolider nos échelons de planification, de décision et de conduite des grands événements, en redonnant à la dominante maintien de l’ordre-défense ses lettres de noblesse, c’est-à-dire en la rouvrant sans préjudices à certains officiers à haut potentiel pour leur seconde partie de carrière.

Le ministère de l’Intérieur a diffusé sur son site ce mardi les rapports des opérations d’ordre public à Sainte-Soline.

(*) Déclaration de Gérald Darmanin.

Selon nos informations, deux Gendarmes mobiles ont été suspendus d’opérations de maintien de l’ordre le temps de l’enquête confiée à l’IGGN.

2 Commentaires

  1. Votre description des « catégories de citoyens » concernés expliquent beaucoup de choses dans l’évolution récente du maintien de l’ordre « à la française », actuellement décrié par à peu près tout le monde (même l’ONU commence à s’en inquiéter). Vous n’avez pas l’impression d’être complètement biaisé et déséquilibré dans votre jugement des personnes que les gendarmes sont aussi chargés de protéger? Vous pensez vraiment que les manifestants ne sont qu’un tas de nuisibles improductifs qui détruisent tout, face à des gens « ancrés dans les réalités »? Ou bien des urbains qui ne comprennent rien face à des professionnels qui exercent des métiers « réels et exigeants »?

    Publier une telle tribune ici ne peut qu’effrayer les lecteurs quant aux idéologies qui circulent parmi les gendarmes…

    • Bonjour Cette tribune n’engage que son auteur et ne se veut pas un reflet de l’opinion de l’ensemble des gendarmes qui sont aussi des protecteurs de l’environnement, tel le gendarme Arnaud Blanc tué par des orpailleurs clandestins en Guyane. Cordialement

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