Des Gendarmes otages à Ouvéa ou blessés physiquement ou psychologiquement lors des évènements d’Ouvéa-Fayaoué auxquels la médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme a été refusée en 2020, ont été déboutés le 13 juillet 2023 par le tribunal administratif de Montpellier qu’ils avaient saisi. Très remontés, et bien décidés à faire reconnaître leur statut de victime du terrorisme, ils vont se tourner vers la cour administrative d’appel. Comme nous l’avions déjà écrit en octobre 2020, ce refus pose question d’autant qu’une trentaine de Gendarmes ont obtenu cette décoration dont des membres du GIGN intervenus à Marignane en décembre 1994. Par ailleurs, plusieurs Gendarmes ont saisi le tribunal administratif de Lille afin de faire reconnaître d’éventuelles fautes de l’État dans la tragique attaque de la brigade de Gendarmerie de Fayaoué le 22 avril 1988.
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Le ministère de la Justice, que la Voix du Gendarme avait interrogé, leur avait opposé un refus ferme. Cette décision avait interpellé jusqu’à Guillaume Denoix de Saint-Marc, directeur de l’association française des Victimes du Terrorisme. Le ministère de la Justice, qui étudie les dossiers avant de les transmettre au Premier ministre et à la Grande chancellerie de la Légion d’honneur, nous avait apporté la réponse suivante : “ S’agissant des demandes dont vous faites état, l’intégralité des faits ayant été amnistiés et les faits n’ayant jamais été qualifiés d’actes terroristes par les autorités judiciaires (une qualification de droit commun avait été retenue), les demandes d’attribution de médailles ont été déclarées irrecevables.”
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Le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande le 13 juillet 2023 en entérinant les deux motifs mis en avant par la chancellerie, à savoir : l’extinction de l’action publique pour cause d’amnistie et l’absence de qualification terroriste dans la procédure judiciaire.
S’estimant victimes d’une “discrimination illégale et d’un détournement de pouvoir”, les Gendarmes déboutés ont donc saisi, via leur avocat, Me Manuel Gros, la cour administrative d’appel de Toulouse en dénonçant plusieurs griefs en particulier une erreur de droit, et une erreur d’appréciation.
Pour eux, l’amnistie, “qui éteint l’action pénale mais qui n’a pas le pouvoir de mettre fin à l’action civile, n’aurait, par conséquence, pas plus le pouvoir de faire obstacle à l’attribution de la médaille en question”. Par ailleurs, ils constatent que “la circulaire relative à l’octroi de cette décoration exige que les demandeurs aient été victimes “d’actes terroristes » et non pas “de faits qualifiés pénalement de terrorisme”.
Enfin, les Gendarmes mettent en avant l’attribution de la médaille en question pour des cas qu’ils jugent similaires aux événements de Fayaoué-Ouvéa en citant l’exemple d’un ex-CRS blessé en Corse à Bastia en 1975 par des émeutiers qui avaient ouvert le feu sur les forces de l’ordre, faisant un mort et dix-sept blessés.
À qui est décernée la médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme?
L’article 2 du décret n° 2016-949 du 12 juillet 2016 prévoit que “la médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme est décernée aux français tués, blessés ou séquestrés lors d’actes terroristes commis sur le territoire national ou à l’étranger, et aux étrangers tués, blessés ou séquestrés lors d’actes terroristes commis sur le territoire national ou à l’étranger contre les intérêts de la République française, à compter du 1er janvier 1974.”
Rappelons que le ministère des armées et la direction générale de la Gendarmerie, qui suivent l’avis du Haut comité à l’évaluation de de la condition milliaire, le HCECM, n’instruisent pas les dossiers pour l’attribution de cette décoration. Le HCECM qui estime dans son rapport thématique de septembre 2019 “la mort, la blessure, la maladie” que “le militaire blessé ou tué n’est pas une victime”, considère en effet, “eu égard à son objet, que la médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme ne devrait pas être attribuée à des militaires tués ou blessés dans le cadre de leur mission”.
Plusieurs Gendarmes parmi les récipiendaires dont des membres du GIGN intervenus à Marignane
À ce jour, une trentaine de Gendarmes s’estimant victime du terrorisme se sont vus attribuer cette décoration : des Gendarmes mobiles victimes d’une explosion de leur véhicule en Afghanistan, un retraité de la Gendarmerie de Corse dont la caserne où il habitait avait été l’objet d’un attentat, ou encore plusieurs militaires du GIGN ayant participé à l’assaut de Marignane en 1994.
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