Les Groupes Interministériels de Recherches : un modèle de coopération contre la délinquance financière

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Les Groupes Interministériels de Recherches (GIR), héritiers des Groupes d’Intervention Régionaux, sont des entités uniques dans leur fonctionnement. Répartis sur tout le territoire français, ces 36 GIR (29 en métropole et 7 outre-mer) unissent les forces de gendarmes, policiers, douaniers, agents des impôts, de l’URSSAF et de l’inspection du travail pour combattre la délinquance financière sous toutes ses formes. Sous l’autorité des procureurs généraux et des préfets de région, ils incarnent un modèle d’interministérialité opérationnelle. Dans cet article, nous plongeons au cœur de cet univers grâce au témoignage du capitaine Éric S., officier de Gendarmerie et adjoint dans un GIR, qui partage avec nous les réalités de ce travail de l’ombre, ses défis et les clés de son efficacité.

Immersion dans un univers particulier !

LVDG : Pouvez-vous nous expliquer votre quotidien au sein d’un GIR ? 

    Éric S : Je suis adjoint au commissaire qui commande le Groupe. Au quotidien, le commandement effectue des tâches administratives liées au fonctionnement du service, mais également entretient de nombreux échanges avec les magistrats et les partenaires institutionnels.  
    Nous sommes saisis par soit transmis d’un parquet local ou par un juge d’instruction, sur commission rogatoire. Toutes les éventuelles cosaisies avec une unité de la gendarmerie ou un service de la police font l’objet d’une évaluation préalable. Le dossier, une fois attribué au groupe est confié à un enquêteur, charge à la cellule commandement de suivre toutes les procédures du portefeuille d’enquêtes. Chaque enquêteur est chargé de gérer une dizaine de dossiers, en permanence. Il n’est pas rare que le chef de service ou moi-même participions de manière active aux opérations judiciaires. Pour donner un ordre d’idée, ce portefeuille d’enquêtes se compose d’un tiers d’infractions liées au trafic de stupéfiants, d’un tiers d’infractions liées aux fraudes diverses telles que les escroqueries, les abus de faiblesse, abus de confiance, etc.… et un tiers liées aux infractions économiques et financières comme le travail dissimulé ou le blanchiment. Nous venons de clôturer un dossier important traitant d’infractions économiques complexes. Une astreinte hebdomadaire est organisée afin de répondre à toutes les sollicitations que nous recevons tant par les services et unités que par les partenaires étatiques. J’assure avec le chef de service une permanence de commandement pour être en mesure de répondre rapidement à une sollicitation ponctuelle. 

    LVDG : Votre adaptation à un service interministériel a-t-elle été compliquée ? 

    Éric S : Comme tout service qui comporte des agents de plusieurs administrations, une fois les présentations d’usage accomplies, la synergie et le dynamisme font le reste. Les GIR sont sous l’autorité des Procureur Général et des Préfets de région. Il y a donc une autre façon d’aborder les relations interministérielles. Aucune auto-saisine n’est possible, mais nous avons des contacts réguliers avec les parquets des tribunaux du ressort du groupe. On travaille en civil et on s’appelle par nos prénoms, ce qui crée une cohésion bénéfique à la réussite des dossiers qui nous sont confiés. Je tiens à souligner la qualité des relations avec les autres membres de mon groupe qui m’ont parfaitement intégré sans faire de distinction. Je suis persuadé que c’est sur ce point que réside la force de cet organe interministériel. D’ailleurs les bureaux sont situés dans le cœur de l’hôtel de police et les logements, notamment pour les gendarmes, au plus près du lieu d’emploi. En qualité d’officier de Gendarmerie, je suis rattaché à la section de recherches du chef-lieu de la région. 

    LVDG : Quel sont selon vous les obstacles ou les erreurs à éviter pour une intégration réussie ? 

    Éric S : La première erreur serait d’arriver en pays conquis. Chaque membre d’un GIR a sa propre culture judiciaire et administrative. J’ajouterais qu’il est primordial de ne pas avoir de préjugé sur les différences de fonctionnement. Pour exemple, je suis amené à gérer les heures supplémentaires des fonctionnaires, ce qui peut sembler surprenant au début. L’adaptation aux missions, ainsi qu’au mode de fonctionnement se fait ensuite naturellement.  Il ne faut pas craindre de mettre les mains dans le cambouis en prenant des gardes à vue ou en effectuant tous les actes d’enquêtes, mêmes anodins. Les dossiers sont par nature volumineux et ils nécessitent que tout le monde prenne sa part. 

    LVDG : En conclusion, que retenez-vous de cette expérience et quels seraient les conseils que vous donneriez à ceux qui seraient intéressés par l’aventure ? 

    Éric S : C’est une formidable aventure humaine et professionnelle. Cette affectation permet de démontrer tout l’intérêt de l’interministériel. Quand on a à notre dispositions toutes les compétences des autres ministères, on devient redoutable pour interpeller les auteurs d’infractions, mais surtout pour saisir les avoirs criminels des délinquants. Toucher au portefeuille de l’économie souterraine s’avère particulièrement productif en termes de sanction. Je ne peux que conseiller à ceux qui seraient tentés par une affectation dans un groupe interministériel de recherches de franchir le pas et ainsi dépasser les frontières de sa propre administration. 

    Propos recueillis par JFC

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