Le statut militaire favorise le management selon le général Vaquette, n°2 des ressources humaines de la Gendarmerie

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Officier de Gendarmerie Photo d'illustration ACSPMG

Le général William Vaquette, adjoint au directeur des personnels militaires de la Gendarmerie, DPMGN, décline sous un angle ressources humaines l’article publié par le général d’armée François Gieré, inspecteur général des armées-Gendarmerie, (IGA-G) sur la militarité de la Gendarmerie.

Voir son intervention le 19 juin 2020 lors d’un webinaire organisé par la DGAFP sur le thème Le Manager public à l’épreuve – webinaire EMRH du 19 juin 2020 (Partie 2) – YouTube

Sur le même sujet : La militarité de la Gendarmerie : l’opportune piqûre de rappel du général Gieré, inspecteur général des armées-Gendarmerie

La Gendarmerie multiséculaire que nous aimons continue d’exister, car depuis 8 siècles d’histoire elle rend les services pour lesquels elle a été instituée, en se transformant sans relâche pour s’adapter à l’évolution dynamique de son environnement. Il faut rappeler que le militaire de la Gendarmerie, c’est avant tout un agent public, mais pas comme les autres, car on attend de lui un résultat particulier dans l’exercice des missions de service public ou pour reprendre le vocabulaire militaire dont on recherche un “effet final à atteindre” jusqu’à la plus ultime “mission encadrante” à valeur constitutionnelle qui est d’assurer la “continuité de l’État”.

Un modèle ressources humaines singulier

Dans ce but, comme tous les agents publics, le militaire de la Gendarmerie est placé dans une situation statutaire exigeante qui conditionne toute une gestion légale et réglementaire, incarnée dans un modèle ressources humaines singulier, c’est à dire très encadré juridiquement et historiquement plutôt impersonnelle dans l’intérêt général qui doit toujours l’emporter sur les intérêts personnels.

C’est la raison pour laquelle, on sait que l’actuel statut général des fonctionnaires prive dans l’intérêt général l’agent public de libertés et de droits et il lui impose en même temps des devoirs et obligations exorbitants du droit commun de ses concitoyens. On sait aussi que c’est pour protéger l’État (servir, sans jamais se servir) et ne pas entrer en concurrence avec l’action publique exercée par les femmes et hommes politiques dans notre modèle démocratique. 

Pour l’agent public placé sous statut militaire, c’est exactement la même logique (moins de droits et de libertés, plus de sujétions et de devoirs), mais avec un degré d’exigence placé un cran au-dessus, car on attend de lui un peu plus que les autres, notamment une grande résilience à la fois de la structure et des personnels, et aussi pour garantir le principe de “libre disposition de la force armée” par le chef de l’État, chef des armées.

C’est comme un contrat d’assurance ou de prévoyance, on investit en amont en payant une cotisation, tout en espérant ne pas avoir à subir de sinistre qui coûtera très cher, mais s’il se produit on est couvert pour faire face. C’est le concept latin de “paix armée” : “Si vis pacem, para bellum” dans sa traduction française : “Si tu veux la paix, prépare la guerre ! ”. C’est aussi pour cela que le militaire relève non pas du statut général du fonctionnaire, mais du statut général du militaire, dernièrement rénové en 2005, qui va plus loin dans la privation de libertés et de droits avec, en plus, une obligation inédite du sacrifice suprême de sa vie inscrite noir sur blanc dans le statut avec la disponibilité permanente.

Le militaire n’est pour autant pas le seul parmi les forces de sécurité intérieure a avoir comme hypothèse quotidienne de travail la mort, mais c’est le seul à l’avoir dans son statut.

Sur le point de la disponibilité, l’agent public sous statut militaire n’est pas déterminé par son temps de travail comme la plupart de nos concitoyens, mais il est plutôt déterminé par son temps de récupération, en particulier le Gendarme qui est caserné avec sa famille (soit 150 000 conjoints et enfants) et mobilisable en tout temps et en tout lieu. Face à l’addition des menaces, il est la première réponse armée 24h/24 de l’État sur 96 % du territoire national avec son armement individuel et collectif de dotation avant que des moyens plus spécialisés arrivent. Autrement dit, c’est le premier de corvée.

Eh bien, ce statut militaire cela change tout en matière de posture managériale sous l’angle de l’employeur ou du gestionnaire ressources humaines

Ainsi, un manager militaire a un peu plus de liberté de manœuvre pour “manager” et prévenir la prévarication des subordonnés placés sous statut militaire qu’un manager civil avec des subordonnés placés sous statut civil.

Derrière les galons et les uniformes civils empruntés régulièrement au monde militaire par la fonction publique civile pour renforcer la chaîne hiérarchique, nous n’y retrouvons pas en coulisse la même réalité statutaire et les traditions militaires décrites ici.

Voici quelques exemples à “contre-jour” : pas de RTT, pas de compte épargne temps, pas d’heures supplémentaires, pas de syndicat, pas de grève, pas de manifestation, pas de droit de retrait, pas de commission administrative paritaire pour l’avancement et la mobilité. Autrement dit, dans ce “corset serré” qu’est le statut militaire, il y a une réalité profonde “d’état militaire” et de “condition militaire”. Pour qu’il fasse ce que l’on attend un peu plus de lui que des autres, le militaire de la Gendarmerie subit donc une gestion très “dirigiste” par son administration qui a néanmoins évolué positivement compte tenu des assouplissements introduits depuis quelques décennies en même temps que la progression plus individualiste de la société française.

On peut dire toutefois que le militaire de la Gendarmerie reste relativement “sous emprise” dans le lien hiérarchique étroit avec ses chefs puisque le biotope est dimensionné pour le “tenir rênes courtes”, avec par exemple un régime disciplinaire très stricte : ce sont les jours d’arrêt que le fonctionnaire civil ne connaît pas dans son échelle de sanctions ou la mutation d’office pour des motifs tenant à la personne du militaire qui ne constitue pas une mesure statutaire.

On peut signaler aussi ici que lors des cérémonies militaires dites de “prise d’armes” pour installer solidement l’autorité hiérarchique de chaque nouveau chef territorial de Gendarmerie, on demande très solennellement sur le “front des troupes” de le reconnaître désormais pour chef, et de lui obéir pour in fine, pour “le succès des armes de la France”.

Napoléon a militarisé les sapeurs-pompiers de Paris

C’est un “rite laïque” très puissant, au pied du mât des couleurs nationales, c’est à dire sous l’oeil de la République, qui marque solennellement les esprits en rappelant au passage ce que l’on est et pourquoi on est là au service de ce qui est plus grand que soi !

Pour finir, on peut ajouter qu’au cours de sa longue histoire, le modèle RH militaire a toujours été inspirateur ou préfigurateur des systèmes d’organisation du monde civil, privé comme public.

Rappelons-nous Napoléon, furieux de l’inefficacité des secours lors de l’incendie en 1811 de la salle de bal de l’ambassadeur d’Autriche lors de son mariage avec Marie-Louise. Il a alors militarisé les sapeurs-pompiers de Paris qui étaient jusque là un corps civil de gardiens des pompes. Ou encore le général De Gaulle, mécontent de l’organisation des secours lors de la rupture du barrage de Malpasset en 1959, qui fit près de 400 morts, il a constitué à partir d’un régiment du génie de l’armée de terre un corps militaire de sécurité civile.

1 COMMENTAIRE

  1. Je ne sais pas si du temps de Napoléon on parlait de “management” ce terme me dérange.
    On voit ce que cela donne entre le terrain et les sales de commandement.
    Pour que le management soit efficace, il serait nécessaire que les managers soient devant sur le terrain, avec les hommes au contact, pour apprécier les “commandements” donnés.
    Je suis sûrement hors sujet, mais dans le contexte actuel le mot “management” m’indispose.
    Marcel

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