En ce début d’année 2023, le général d’armée Christian Rodriguez, qui est dans sa quatrième année à la tête de la gendarmerie accorde une grande interview de fond à la Voix du Gendarme qui sera publiée dans le magazine de février.
Dans cet entretien, le DGGN répond à nos questions sur l’actualité immédiate de la gendarmerie en ce début d’année 2023 et s’attarde sur des sujets de fond comme le dispositif de gestion des évènements, la défense opérationnelle du territoire mais aussi le nouveau diplôme d’arme, la montée en puissance de la réserve pour les JO et quantité d’autres sujets.
En attendant, en ce début d’année, nous publions sur le site la partie de l’interview consacrée à l’actualité immédiate de la Gendarmerie nationale et les perspectives pour 2023.
Le DGGN évoque les enjeux, les différents chantiers lancés, comme le renforcement de la formation au combat pour les escadrons de gendarmerie mobile afin de faire face à toute situation en métropole, Outre-mer ou en opération extérieure.
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LVDG À l’aube de 2023 quel message voulez-vous adresser aux gendarmes?
Général d’armée Christian Rodriguez Je veux adresser un message de remerciements et de reconnaissance à l’ensemble des personnels civils et militaires de la gendarmerie pour le travail accompli, au quotidien, comme face aux grands événements ou encore dans les crises qu’elles soient nationales ou internationales. L’année a été dense. Je pense notamment à l’engagement de la gendarmerie lors des incendies de la période estivale, à l’envoi de 200 gendarmes lors de la Coupe du Monde de football au Qatar, ou encore au formidable travail d’expertise de l’IRCGN en Ukraine, sans oublier le GIGN et les gendarmes chargés de la protection de l’ambassade.
Je veux aussi les remercier pour le lien de confiance entretenu dans les territoires. J’en ai eu une nouvelle confirmation lors du congrès des maires, lorsque les élus que j’ai rencontrés m’ont parlé de “leurs” gendarmes. Cela démontre un niveau d’appropriation des gendarmes qui font ce qu’il faut en termes de proximité et de relations fortes avec la population.
Je veux aussi les remercier pour le lien de confiance entretenu dans les territoires. J’en ai eu une nouvelle confirmation lors du congrès des maires, lorsque les élus que j’ai rencontrés m’ont parlé de “leurs” gendarmes. Cela démontre un niveau d’appropriation des gendarmes qui font ce qu’il faut en termes de proximité et de relations fortes avec la population. Cela est valable aussi pour les gendarmes mobiles qui renforcent les dispositifs de sécurisation et d’ordre public partout où cela est nécessaire, en zone rurale comme dans les grandes agglomérations.
Je veux encore les remercier pour leur capacité à s’engager de front sur les priorités opérationnelles qui se superposent en métropole comme en outre-mer. À ce sujet, nous avons été considérablement aidés par la LOPMI, par le président de la République et le gouvernement, le plan de relance, le “Beauvau de la Sécurité” et tout ce dont le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer nous a permis de bénéficier. C’est une période comme on n’en a jamais connue en termes de renouvellement de véhicules, d’équipements, mais aussi en termes d’effectifs arrivant dans les unités. C’est un autre message que je veux aussi porter. C’est important de regarder au-delà des crises et de mettre en lumière le positif et les bonnes nouvelles, comme au niveau catégoriel par exemple. Le rôle du chef est de rappeler tout ce qui vient renforcer nos capacités, pour qu’on sache l’employer au mieux et faire en sorte que nos gendarmes, tous statuts confondus, du corps de soutien, personnels civils, gendarmes adjoints volontaires, puissent travailler dans les meilleures conditions possibles. Je veux enfin saluer l’esprit de cohésion et de confiance des personnels de la Gendarmerie. Je prends de l’oxygène à chacun de mes déplacements sur le terrain et j’ai le sentiment qu’on a vraiment un sens du collectif, un vrai souci de l’autre, au profit de la population, au profit de ses camarades. Il est nécessaire de préserver cet atout, car c’est aussi comme cela qu’on tient mieux dans un environnement qui est de plus en plus compliqué et de plus en plus dangereux, avec par exemple de plus en plus de forcenés. J’ai conscience des difficultés auxquelles ils sont confrontés.
Les conditions d’intervention vont rester compliquées et nos gendarmes font face de la plus belle manière et c’est pour cela que c’est un vrai message de remerciements que j’adresse à toutes et à tous.
LVDG Quels sont les enjeux en 2023 pour la gendarmerie ?
Général d’armée Christian Rodriguez Il y en quatre : la bonne installation du dispositif opérationnel de création des sept escadrons et des 200 brigades, les nouvelles frontières cyber et environnement, la nécessité d’être au rendez-vous des grands événements comme la Coupe du monde de rugby, et la transformation de la maison au profit des usagers et de nos gendarmes.
Le premier enjeu, de court et moyen terme, est celui de la création des brigades et des escadrons de gendarmerie mobile. Actées par le président de la République et le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, ces créations vont renforcer le maillage territorial de la gendarmerie. Les états-majors comme les écoles sont aussi concernés, car il faut recruter, former et ensuite affecter les personnels dans les unités. Nous serons plus nombreux sur le terrain. Cet apport d’effectifs représentera dans chacun des départements entre 20 et 40 gendarmes en plus. Cette situation est inédite ; on comptera entre deux et quatre nouvelles brigades par département. A ce stade, il est envisagé une dizaine de gendarmes par brigade, avec des adaptations pour chaque département. C’est une formidable opportunité.
Le deuxième enjeu concerne les nouvelles frontières, qu’il s’agisse de cybersécurité ou de lutte contre les atteintes à l’environnement. Dans ces domaines, il y a une grosse attente de la population, mais aussi de nos personnels. Il faut qu’on soit capable de s’engager, de recruter, de former, de conseiller et de continuer à développer la proximité avec les élus et la population. La tâche sera considérable car dans le même temps, il faudra gérer les sujets classiques du quotidien. Il y a un travail qui a été engagé et qui va se poursuivre dans les mois à venir avec des personnes qui ont des niveaux de compétences qui sont juste impressionnants!
Le troisième enjeu vise les grands évènements qui sont devant nous : la Coupe du monde de rugby, les Jeux olympiques et les championnats mondiaux de ski alpin à Courchevel. Ces derniers vont générer beaucoup de présence sur le territoire national. Il faudra être prêt pour garantir la sécurité des personnes qui vont assister à ces événements, mais aussi pour démontrer toute notre expertise sur des sujets comme la cybersécurité, les drones, et quantité d’autres sujets techniques sur lesquels nous avons des compétences à faire valoir.
Le dernier enjeu est notre capacité à continuer à transformer notre maison. C’est l’un des piliers de la stratégie Gend 20-24. L’objectif est toujours de faire en sorte de doter les personnels de moyens qui leur permettent de travailler de la meilleure des façons. C’est le “aller vers”, consistant à passer de la logique de guichet à une logique de pas de porte, en s’appropriant les nouveaux moyens, comme les brigades itinérantes qui seront mises en place dans le cadre de la création des 200 brigades.
Il faudra aussi qu’on sache, au sein de l’administration centrale comme dans les états-majors des régions, accompagner nos personnels, mieux les gérer, mieux reconnaître leurs mérites, mieux les faire avancer. C’est absolument indispensable car la vraie richesse de la maison repose sur ses personnels.
En outre, et c’est un autre pilier de Gend 20-24, il faudra aussi qu’on sache, au sein de l’administration centrale comme dans les états-majors des régions, accompagner nos personnels, mieux les gérer, mieux reconnaître leurs mérites, mieux les faire avancer. C’est absolument indispensable car la vraie richesse de la maison repose sur ses personnels.
J’en profite pour évoquer la feuille de route 2.0. Nous allons continuer à identifier toutes les mesures utiles pour simplifier la vie quotidienne des gendarmes. J’ai bien conscience, et on me le dit toutes les semaines lorsque je vais à leur rencontre sur le terrain, que tout est plus compliqué. Les gens ont envie de bosser, mais ils ne veulent pas être embêtés par des lourdeurs qu’on pourrait éviter. Il y a un travail de transformation à mener. Celui-ci doit bénéficier à la population, aux usagers mais également à nos gendarmes. Là aussi, le travail est immense.
3500 personnels supplémentaires dans les années à venir
S’agissant des effectifs, nous allons obtenir 3500 personnels supplémentaires dans les années à venir.
En 2023, 5500 sous-officiers sont recrutés pour compenser les départs en retraite, c’est beaucoup, l’enjeu est fort, mais je n’ai pas d’inquiétude sur le recrutement même si nous restons vigilants. C’est ce que je dis aux brigadiers, qui avaient par le passé un rôle important dans le recrutement, cela s’est effacé pour des questions de priorisation de missions. Mais je trouve intéressant de les impliquer à nouveau dans la communication pour attirer des jeunes dans la maison. Plus on a un taux de sélection important, meilleurs sont les profils que l’on recrute, et plus ce sera facile quand ils arriveront en école et dans les unités.
Sur 2023, on a un schéma d’emploi qui augmente de 950. Cela permet de créer sept demi-escadrons, une trentaine de brigades ainsi que des postes dans les centres de formation régionaux et en école. Les escadrons seront créés par moitié sur deux ans en 2023 et 2024 et les 200 brigades vont être créées sur les cinq ans à venir.
LVDG Comment la gendarmerie se prépare t-elle à une rentrée sociale potentiellement agitée avec une multiplication des engagements ?
Général d’armée Christian Rodriguez Les structures de la gendarmerie ont sensiblement évolué avec la création à la DGGN au sein de la direction des opérations et de l’emploi du CNO, le centre national des opérations, mais également des centres zonaux des opérations. Ce dispositif permet aujourd’hui de faire face assez vite à toutes sortes d’événements. Je rappelle que j’ai souhaité la création du CNO et des CZO, non pas parce qu’on n’était pas capable de faire face avant, mais parce qu’on pouvait risquer à un moment donné une situation de surchauffe. Lorsqu’un évènement survient un week-end où il faut mobiliser beaucoup de monde, ça marche car les gendarmes s’engagent immédiatement, mais on a souhaité mettre un peu plus de prévisibilité et avoir un dispositif qui permette de prévenir toute surchauffe, parce qu’une crise n’empêche jamais une autre crise de survenir en même temps. On a donc modifié les organisations. On est toujours prêt, on a les structures de commandement qui sont mises en place, et on dispose d’escadrons au niveau de professionnalisme très élevé. C’est la même chose dans les brigades où les effectifs montent en puissance très vite. La recréation d’escadrons et de brigades va nous permettre de continuer d’avoir ce niveau là. Concrètement je ne donne pas de directives en disant “préparez-vous à une rentrée compliquée et soyez en alerte”. Je sais que de toute façon, la maison est en alerte par construction, donc je ne veux pas rajouter de la tension et de la charge à une maison qui vit avec cette capacité de monter en puissance rapide, et d’engagement au jour le jour. Elle le vit bien, je l’observe tous les jours quand il y a des crises. On a cette chance d’avoir des personnels qui sont hyper engagés et quand cela l’exige, ils ne se posent pas de questions, ils s’engagent !
Des évolutions comparables se retrouvent dans des unités comme les escadrons de gendarmerie mobile ou les PSIG.
L’étape sur laquelle on est en train de s’engager vise à s’entraîner de nouveau au combat au sein de la gendarmerie mobile. L’objectif est d’avoir cette capacité d’engager des escadrons dans des zones très compliquées.
Après le drame d’Ambert, j’avais déjà engagé avec les PSIG une densification reposant sur un remplacement des GAV par des sous-officiers et un renforcement du diplôme d’arme. Ce diplôme comprend du combat pour les escadrons mais également pour les PSIG. L’étape sur laquelle on est en train de s’engager vise à s’entraîner de nouveau au combat au sein de la gendarmerie mobile. L’objectif est d’avoir cette capacité d’engager des escadrons dans des zones très compliquées. On a par exemple engagé un peloton au Burkina Faso. Il s’y trouve toujours, et d’autres projections pourraient s’envisager dans des territoires confrontés à des crises ou dans des zones de conflits comme on l’a fait il y a quelques temps au Kosovo, en Irak, en Afghanistan, ou en Afrique. Cela contribuera à avoir une capacité de projection rapide de haut niveau. On a le GIGN et ses antennes, qu’on a beaucoup employés ces derniers mois, et on a aussi des escadrons qui sont projetables rapidement sur des missions compliquées.
Le nouveau diplôme d’arme, ce n’est pas une remilitarisation. Les gendarmes sont militaires, point. Mais c’est s’intéresser à nouveau à des missions du haut du spectre, à des manœuvres sous le feu, de réduction de résistance isolée, des missions de combat, car on est confronté à des interventions toujours plus intenses. On ne peut pas observer ça, et dans le même temps, ne pas se préparer à ce genre d’évènements. Les escadrons font face, mais je souhaite qu’ils puissent le faire en étant le moins vulnérables possible. On n’éliminera jamais complètement le danger mais il faut que tous nos personnels aient les bons réflexes et cela implique plus de formation, plus de drill.
Propos recueillis par D.C