Général Christian Rodriguez : « la Gendarmerie est une institution repère en cas de crise »

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Le Directeur Général Christian Rodriguez dans son bureau au Ministère de l'Intérieur. (Photo Fanny Ferroli)

Exclusif – Pour la première fois depuis le début de cette crise sanitaire, le Directeur général de la Gendarmerie, le général d’armée Christian Rodriguez, s’exprime sur cette « bataille » inédite dont on ne trouve trace dans les neufs siècles d’histoire de l’Arme. Comment la Gendarmerie s’est-elle mise en ordre de marche? Est-elle en capacité de s’inscrire dans la durée? Comment protège t-elle ses personnels? Le premier des Gendarmes répond à La Voix du Gendarme.

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Le président de la République a parlé de guerre. Quel est le niveau de mobilisation de la Gendarmerie face à cet ennemi invisible ? 
A l’appel du Président, et sous l’autorité du ministre, la Gendarmerie répond présent et est totalement mobilisée. Cette mobilisation prend des formes et des modalités nouvelles et inédites, de la vaste opération de contrôle du confinement à la mise à disposition des capacités du PJGN (Pôle judiciaire de la Gendarmerie Nationale NDLR) pour effectuer des tests de dépistage, en passant par l’appui à l’ouverture des bureaux de poste, mais toujours avec la même mission : protéger les populations et garantir la sécurité du pays, sur tous ses territoires.

Depuis le 17 mars, les Gendarmes font respecter les mesures de confinement. Comment s’organise cette mission inédite dont on ne connaît pas la durée ? 

C’est la mission qui occupe aujourd’hui tous nos gendarmes sur le terrain. Une mission exigeante, difficile, mais absolument indispensable qui mobilise la gendarmerie départementale, la gendarmerie mobile, la garde républicaine, les réserves et toutes les structures de commandement et de soutien. Dans ces circonstances exceptionnelles, nos personnels font face admirablement et font preuve à la fois de fermeté, de pédagogie et d’intelligence de situation. Ils savent qu’en faisant respecter ces consignes, ils protègent les Français et contribuent à sauver des vies.

Ce n’est pas une mission évidente, car ils sont parfois confrontés à des réactions qui montrent une certaine inconscience des enjeux de la part de quelques-uns de nos concitoyens. Ils doivent alors en plus responsabiliser ces personnes qui se croient invulnérables ou qui n’ont pas vraiment pris la mesure des risques qu’elles courent ou font courir à leurs proches.

Ils font aussi face à de l’hostilité, car le confinement vient perturber les trafics ou les habitudes des délinquants. Les gendarmes sont ainsi parfois la cible de refus d’obtempérer, de crachats, de violences. 

La Gendarmerie continue d’accompagner les Français dans le quotidien

C’est heureusement un phénomène limité, mais qui montre s’il en était besoin la difficulté du travail qu’ils mènent jour et nuit.

La Gendarmerie continue aussi d’accompagner les Français dans le quotidien, en répondant aux appels d’urgence, en étant proche des plus vulnérables, en poursuivant aussi le combat contre les violences aux personnes, et notamment les violences intrafamiliales. Nous sommes très attentifs à ce domaine rendu encore plus sensible par le confinement, et mettons tout en œuvre pour maintenir le lien et que les victimes puissent nous contacter.

Un état-major dédié, le centre des opérations

A cela s’ajoutent – et c’est le cas lors de toute guerre ! – les habituels profiteurs et escrocs qui profitent de ces temps troublés pour spéculer sur les masques ou les gels, pour vendre des copies de mauvaise qualité ne présentant pas les garanties sanitaires de base ou pour profiter des plus faibles en se faisant passer pour des forces de l’ordre et leur soutirer de l’argent. Je pourrais évoquer aussi les trafics de médicaments, les vols de masques, les agressions de soignants… Sur Internet, les escrocs et autres cybercriminels profitent de la crise et de l’augmentation importante du trafic et des données personnelles et professionnelles en circulation. Nous sommes particulièrement mobilisés et vigilants dans tous ces domaines.

Le Directeur Général Christian Rodriguez en visioconférence Covid-19 Minint (Photo Fanny Ferroli)

Pour coordonner notre action, sur tous les territoires – cyber compris – et dans tous les domaines missionnels, la DGGN s’est appuyée sur son habitude de la gestion de crise pour mettre sur pied un état-major dédié, le « centre des opérations « . C’est un processus courant, mais qui n’avait encore jamais atteint cette ampleur ! De mon côté, il n’y a pas une journée où je ne suis pas en contact, par visio ou audioconférence, avec les commandants territoriaux, avec les unités ou avec la chaîne de concertation. Je suis à chaque fois très fier de la motivation, du dévouement et du sens du service de nos personnels, de tous grades et statuts.

Je voudrais enfin souligner l’engagement de nos personnels outre-mer. La situation là-bas est très compliquée, et l’isolement peut par endroit renforcer les risques de drame sanitaire et social. Je pense à Mayotte ou à la Guyane notamment, je pense à nos personnels là-bas. Nous sommes très attentifs à la situation et à son évolution.

La crise risque d’être longue. La Gendarmerie pourra-t-elle tenir dans la durée ?

C’est dans cette perspective que nous sommes très attentifs au potentiel humain de l’institution. Nous sommes une force humaine, il faut le redire !

Nous n’avons pas, chez nous, de système d’arme comme le Rafale ou le programme Scorpion. Notre système d’arme, ce sont les hommes et les femmes qui composent notre maison ! Notre système d’arme, ce sont leur humanité, leur professionnalisme, leur capacité d’adaptation et leur sens de l’innovation !

Nous avons tout d’abord renforcé nos unités avec nos élèves. Le commandement des écoles et les régions ont fait un travail incroyable !

3700 élèves déployés en unités opérationnelles en 72 heures : un tour de force

En 72h, 3700 élèves de tous grades ont quitté leurs écoles et rejoint leurs affectations en unités opérationnelles. C’est un véritable tour de force qui a été effectué et que je veux souligner. 

Nous avons également pris de nombreuses dispositions pour adapter le service et maintenir notre capacité, depuis la DGGN jusque dans les unités de terrain. Certaines brigades fonctionnent par bordées, des groupements ont réorganisé leur fonctionnement et créé des unités de circonstances… En fait, chaque échelon local a la main sur sa propre organisation pour assurer la continuité de l’activité et préserver le potentiel humain des unités. 

Nous devons enfin veiller sur la sécurité de nos personnels : parce que c’est un devoir humain, bien sûr, mais aussi parce que c’est un devoir opérationnel. Sans les gendarmes, pas de Gendarmerie ! 

Notre politique d’innovation prend tout son sens

En ce qui concerne les moyens de protection, nous disposions avant la crise de masques FFP2, stockés depuis l’épisode H1N1. Tous ces masques ont été reversés aux établissements hospitaliers, absolument prioritaires actuellement. Nous avons mis en place par la suite, et l’approvisionnement continue, des packs sanitaires qui permettent de faire face aux situations impliquant des contacts avec des personnes possiblement contaminées. Des expérimentations sont en cours concernant des masques réutilisables, certifiés par la DGA, ou des visières, très souvent issues d’initiatives locales. 

Dans cette crise, c’est aussi notre politique d’innovation qui prend tout son sens, à Issy-les-Moulineaux mais surtout dans chacun des territoires que nous protégeons. L’innovation participative fonctionne à plein, et s’appuie très souvent sur les capacités de PME locales ou des laboratoires de prototypage rapide de plus en plus répandus. Ils nous soutiennent et nous aident dans le développement de nouveaux outils. Nous avons cette richesse et cette chance ! Et nous faisons donc de l’innovation un véritable mode d’action. Pas de longs processus logistiques mais plutôt des idées, un ancrage territorial et une volonté de donner au plus vite l’outil concret qui permet de résoudre une difficulté opérationnnelle.

L’installation de vitrines de protection en plexiglas dans les espaces dédiés à l’accueil du public, comme cela a été fait dans certaines brigades, est un exemple concret. Il s’agit là d’un moyen efficace pour respecter la distanciation. Je rappelle d’ailleurs que les mesures barrière sont le premier moyen de protection, mais aussi de limitation de l’épidémie.

L’engagement de la réserve opérationnelle était attendue. Elle est désormais effective. Quelle mission prioritaire lui sera t-elle confiée ?

Depuis le 7 avril, à la demande du ministre de l’intérieur et en partenariat avec La Poste, nous avons renforcé notre présence dans et aux abords des agences postales qui restent ouvertes au public. Un bureau de poste constitue un point d’ancrage essentiel du service public dans les territoires. Sur une quarantaine de sites (avec possibilité d’extension dans les semaines à venir), 3 réservistes viendront renforcer les bureaux pour sécuriser la fréquentation des lieux mais également pour entretenir un lien encore plus étroit avec les usagers potentiellement isolés ou plus vulnérables.

Mais notre vocation est plus large !

Le ministre attend de nous de venir en soutien lorsque nos concitoyens voient leurs vies changer et alors que leur environnement évolue de façon importante et subite. La Gendarmerie est une institution-repère, tout particulièrement en temps de crise.

Nous allons donc multiplier les initiatives en appui des collectivités locales pour soutenir la vie sociale, dans tous les territoires. Les réservistes auront pleinement leur place dans ce contexte.

Plus de 4 semaines après le début de cette crise, quelles sont les premières leçons que vous tirez de l’engagement de la Gendarmerie ?

Il est encore bien trop tôt pour tirer des bilans d’une crise très évolutive, pour laquelle l’ensemble des acteurs continuent d’être pleinement mobilisés. Pour autant, quelques lignes de forces se dégagent.

Tout d’abord, la Gendarmerie a affronté de nombreuses crises récentes (vague d’attentats, Germanwings, Irma, Notre-Dame-des-Landes, manifestations des gilets jaunes etc.).

La crise COVID19 qui se caractérise par son ampleur et sa durée vient confirmer une fois de plus le caractère indispensable d’une  » structure de crise  » telle que le Centre des Opérations (CDO) qui agrège toutes les compétences et expertises de gestion opérationnelle en appui de l’échelon de commandement. Cela garantit notre robustesse et notre aptitude à faire face et répondre présent. 

Mais notre richesse vient aussi de la capacité de notre maison à innover pour être plus efficaces. Les gendarmes savent s’adapter face à une difficulté, se montrer astucieux et être force de proposition, que ce soit pour organiser le service, pour assurer les missions de prévention dans un contexte de confinement ou pour trouver des moyens ingénieux de se protéger (lunettes avec visière, plaque de plexiglas dans les locaux d’accueil etc).

La brigade numérique a quadruplé ses effectifs

De même, notre conception du contact de proximité 2.0 est consacrée par cette crise. La Brigade numérique a quadruplé ses effectifs, et traite 8 fois plus de demandes depuis le début du confinement. Nos terminaux Néogend sont d’une aide précieuse au quotidien, ils nous permettent notamment de scanner les QR codes des attestations numériques. Notre réseau CyberGend est mobilisé pour sensibiliser les entreprises et les collectivités sur les risques numériques. Et il y a tant d’autres exemples. Ce rapprochement de la population par le numérique, s’il peut paraître initialement paradoxal, est une véritable nécessité, et nous devrons évidemment l’entretenir après la crise.

Un dernier constat enfin, mais qui n’est pas une surprise. La capacité opérationnelle de la Gendarmerie, son adaptabilité, son aptitude à la résilience sont certes dues à son organisation, au statut militaire de ses membres, à notre maillage territorial. Mais ces qualités reposent surtout sur les 130 000 hommes et femmes de tous statuts qui font la force de la maison, sur leur sens du devoir, sur leur courage et sur leur grand professionnalisme. Qu’ils en soient toutes et tous remerciés.

Propos recueillis par Jean-Christophe Vaillant et Hugh Bletran




3 Commentaires

  1. Ce qui est important, en temps de guerre comme en temps de paix, c’est la capacité de discernement. Celle ci a manqué sur l’île de Ré. Semble t il, la victime a téléphoné à la préfecture, mais rien n’y a fait. En temps de guerre, on ramène les corps. En temps de paix, on assiste les mourants. C’est la capacité de discernement qui est essentielle. Les philosophes de l’âge classique nous l’ont appris. Descartes, plus tard Montesquieu… Toutes mes salutations.

  2. Il serait bon de prendre conscience que parmi vous certains ont un complexe d’infériorité et abuse du pouvoir que le métier leur donne . Jouer au chef et redresseur de tors n’est pas la destination du métier , mais bien de protéger le citoyen . Vos but ne sont pas de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’état surtout que les amandes ne sont pas proportionnelles au pouvoir d’achat ( revenus ) et donc les moins nantis sont toujours les plus accablés par un moment de distraction , un non respect de la vitesse … Alors stop au raquait en tout genre . Autre fois il y avait les bandits de grand chemin de nos jours nous avons nos gens d’armes pour nous voler le fruit de notre travail . Un petit peu d’empathie ne couterais rien a la corporation .
    Salutation respectueuse , Paul Lambin .

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